Matthieu 16, 13-19

« Tu t’appelleras Céphas »

Dom Augustin Guillerand

Ecrits spirituels, tome I, p. 154s

          Pierre était un simple Galiléen, peu différent en apparence de tous ceux qui venaient écouter et l’entourer Jésus. Mais avec Jésus, nous sommes toujours par-delà les apparences…, et souvent contre les apparences. Il est Celui qui est ; il voit ce qui est, ce que les apparences masquent si fréquemment. Il va à la réalité cachée ; il écarte ce qui la recouvre, et il la met en face de lui et de ceux qui l’écoutent en se mettant bien en face d’elle.

          Tu es Simon…, tu t’appelleras Pierre. Pourquoi, comment Jésus a-t-il découvert ce que recouvraient les dehors peut-être assez simples de Simon ? Qu’étaient ces dehors ? Nous n’avons aucune indication à cet égard ; il en est de même de tous ces hommes sur qui devait s’élever un nouveau monde…, et du Maître qui en est le fondement.

          Les apparences ne comptent pas pour Dieu, sinon un certain reflet du dedans spirituel qui se reflète en elles. Jésus avait certainement cette intuition qui, dans l’aspect extérieur, devine l’intérieur ; mais il avait surtout le regard spirituel et profond qui, d’un coup, pénètre jusqu’au fond. Pour Jésus, ce Galiléen, simple et un peu fruste, assez semblable aux autres au premier abord, ce n’est pas seulement une nature généreuse et riche de possibilités, capable de donner sans réserve, apte aux affaires, au commandement, un chef, c’est la pierre solide, résistante, inébranlable, qui traversera les siècles, qui affrontera toutes les poussées et triomphera de tous les coups, c’est l’homme en qui il peut, à un degré spécial, s’incarner, répandre sa vérité et son amour. Et il met tout cela dans un nom d’où toute provenance charnelle disparaît, un nom nouveau qui vient tout droit de Dieu et qui le voue à lui : Tu t’appelleras Céphas, Pierre.

Cette transformation de nom qui correspond à une nouvelle forme et à un nouvel être, est spéciale à Pierre. Jésus a accueilli, conquis, assimilé tous les êtres. Son action sur eux fut immédiate et complète : il les fait en un instant tout autres. L’action exercée sur Pierre s’en distingue nettement : elle ajoute une forme unique, qui est propre à cet apôtre, à la forme communiquée aux premiers. Les conséquences d’un tel acte dépassent tout ce que l’histoire nous en peut dire : l’éternité seule pourra les manifester. Ainsi avec Jésus, tout ce qu’il dit et fait a un retentissement infini.