Jean 19, 25-27 ou Luc 2, 33-35

Que la Très sacrée Vierge, Mère de Dieu, mourut d’amour pour son Fils

Saint François de Sales

Œuvres complètes (La Pléiade), Traite de l’amour de Dieu 7, 13, p. 703s

          La Vierge sacrée et son Fils n’avaient qu’une âme, qu’un cœur, et qu’une vie, en sorte que cette Mère vivant ne vivait pas en elle, mais son Fils vivait en elle. Mère la plus aimante et la plus aimée qui pouvait jamais être, mais aimante et aimée d’un amour immensément plus grand que celui de tous les Anges et les hommes, à mesure que les noms de Mère Unique et de Fils Unique sont aussi des noms au-dessus de tous les autres noms en fait d’amour. Quelle créature peut dire au Sauveur : Vous êtes mon vrai Fils, je vous aime comme mon vrai Fils ? A quelle créature le Sauveur a-t-il pu dire : Vous êtes ma vraie Mère toute mienne et je suis votre vrai Fils tout vôtre ? Entre eux, c’était bien plus qu’une simple union, c’était en vérité très profondément une unité de cœur, d’âme et de vie qui soudait cette Mère et ce Fils.

          La Vierge Mère, ayant assemblé en son esprit par une très vive et continuelle mémoire tous les plus mystères joyeux et douloureux de la vie et de la mort de son Fils, et recevant ainsi directement les plus ardentes inspirations que son Fils, Soleil de Justice, jette sur les humains au plus fort du midi de sa charité, faisant de son côté un perpétuel mouvement de contemplation, le feu sacré de ce divin amour la consuma, tel un holocauste gracieux et délicat : elle en mourut, son âme étant toute ravie. Elle fut élevée au ciel, enlevée dans les bras de l’amour de son Fils pour elle. Ô mort amoureusement vitale ! Ô amour vitalement mortel !

          A la mort du Sauveur, ceux qui avaient le plus d’amour pour lui eurent le plus de douleur, car l’amour alors était anéanti par la douleur et la douleur en l’amour ; tous ceux qui étaient emplis d’amour pour Lui furent amoureux de sa Passion. Mais sa Mère, elle qui aimait plus que tous, fut plus que tous transpercée du glaive de douleur : la douleur du Fils fut alors une épée tranchante qui passa au travers du cœur de sa Mère, d’autant plus que son cœur de mère était profondément uni et joint à celui de son Fils, d’une union si parfaite que rien ne pouvait blesser l’un qu’il ne blessa l’autre aussi vivement.