Siracide 27,22 – 28,7

L’optique de Sirac sur la rétribution

 

Père André Barucq

Du talion au pardon, AS 55, p. 6s

 

Le sage se situe au point de rencontre de deux modes de pensée : celui des théologies traditionnelles de l’Ancien Testament et celui des sages humanistes. Traditionnellement, ta rétribution n’appartient qu’à Dieu. Le Deutéronome la conçoit liée à la théologie de l’Alliance et revêtant, de ce fait, un aspect contractuel. Ce concept s’assouplira quand les prophètes prendront conscience de l’engagement des personnes : peu importe l’attitude des pères, les fils n’engagent qu’eux-mêmes. La rétribution n’en demeure pas moins une question de comptabilité entre Dieu et l’homme. Sirac, avec les autres sages, a souci de compter pour beaucoup l’attitude personnelle, mais au-delà des textes le précédant, il soupçonne que les relations de maître à serviteur existant entre Dieu et l’homme, dépendent aussi des relations interpersonnelles d’homme à homme. A la créance du pécheur, il place sa mansuétude envers qui l’a lui-même lésé. Attitude assez neuve dans l’Ancien Testament qui, toutefois, a toujours considéré comme un crédit ouvert auprès du Seigneur une autre forme de bonté : la bienveillance envers les pauvres.

Sirac va pousser plus loin sa réflexion en cette matière en y intégrant les sentiments intérieurs qui avaient peu retenu les moralistes israélites : ainsi la colère et la rancune. Il parle ensuite de l’attitude de Dieu envers l’homme pécheur. Il n’envisage d’ailleurs pas un péché en particulier, pas même ceux dont il vient de parler, mais le péché installé, l’état de péché dont l’homme se libère malaisément et qui le rend débiteur d’un Dieu qui se doit de lui demander compte. Or ce Dieu se montrera justement exigeant ou miséricordieux. Qui déterminera son attitude ? Le pécheur lui-même, pense Sirac, et sa propre nature envers son frère. L’évangile ne dira pas autre chose.

Certains éléments de ce texte peuvent choquer nos mentalités. Le sage nous présente un Dieu de majesté qui brandit la vengeance, tient une comptabilité rigoureuse des fautes. Mais, pense-t-il, il convient de ne pas sous-estimer les exigences mêmes de l’Alliance du Très-Haut, du Tout Autre, du Transcendant. On ne peut évacuer les commandements, pierre de touche de la fidélité de l’homme pour toute la pensée juive.