Daniel 9,1-4+18-27

La prophétie chez le prophète Daniel

Père Jean de Menasce

Bible de Jérusalem, fascicule « Daniel », Introduction, p. 15s

 

Ce qui fait l’intérêt particulier du Livre de Daniel parmi ceux de l’Ancien Testament, c’est qu’il représente, dans sa perfection, le genre apocalyptique et eschatologique préparé par les prophéties d’Isaïe, d’Ezéchiel et de Zacharie. La prophétie est un genre de connaissance surnaturelle plus vaste et plus complexe que la simple prédiction de l’avenir. Elle porte sur tout secret de Dieu, la connaissance des futurs contingents  n’en étant qu’un cas particulier, le plus véritable, celui qui a, au maximum, valeur de signe et d’argument. Mais le passé ou le présent qu’un homme est capable de connaître, directement ou par témoignage purement humain, peuvent être également matière de connaissance prophétique : Dieu lui donne alors de saisir et de juger ces choses selon une lumière plus haute que l’humaine, sans d’ailleurs que ce soit en proportion de sa sainteté personnelle, mais principalement pour l’illumination  et la direction de l’Eglise. Ce savoir, nouveau non par sa teneur, mais par sa modalité et son origine, manifeste celle-ci d’une façon beaucoup moins frappante que dans le cas de la prévision de l’avenir ; il ne saurait donc être question de démontrer empiriquement la présence de ce charisme.

Les grâces spéciales par lesquelles Dieu illumine l’homme se diversifient selon ses facultés : son sentiment obscur, son imagination, ses sens externes, l’intuition et le jugement de son intelligence, sont tous susceptibles de recevoir des messages diversement profonds et diversement explicites. Or les prophéties du livre de Daniel permettent d’illustrer au mieux la diversité du charisme prophétique, ainsi que les théologiens se sont plus à le démontrer : visions purement imaginative, à l’état de sommeil ou de veille, auditions de paroles mystérieuses, apparitions visibles à plusieurs sujets, intelligence des visions et locutions ; enfin, et  c’est l’espèce la plus haute, « jugement », c’est-à-dire vue synthétique à la lumière des raisons divines, soit de réalités transcendantes (ainsi la révélation du mystère de la Résurrection, pur objet de foi surnaturelle), soit même de faits contingents dont le « sens » est donné (ainsi la perspective historique  sur les guerres entre la Syrie et l’Egypte au chapitre11).