2° lundi du temps ordinaire

Sur Genèse 11, 1-26
La tour de Babel
Jean Chrysostome
Homélies XXX sur la Genèse, OC VII, p. 420s

Partis de l’Orient, ayant trouvé une plaine, les hommes s’y sont établis. Là, ils décidèrent de bâtir une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux. Avec quelle étrange sécurité ils songent à construire ! Ne méconnaissent-ils pas cette vérité : Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les maçons. Ce n’est pas pour Dieu qu’ils entendent travailler, c’est pour eux-mêmes. Quel progrès dans le mal ! Le souvenir de l’extermination générale est encore présent, et ils se portent à cet excès de démence, une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Et leur audace s’amplifie : Faisons-nous un nom. Voilà la racine du mal : ils désirent acquérir une gloire immortelle, ils veulent que la postérité se souvienne à jamais d’eux, car cette tour, non seulement atteindra les cieux, mais encore elle se montrera à tous pour toujours. Leur gloire sera ainsi impérissable, leur nom immortel.
La perversité des hommes est grande ! La catastrophe qui vient de les frapper ne les empêche pas de retomber dans les mêmes désordres. Que va-t-il arriver ? Comment vont-ils être arrêtés dans leur folle entreprise ? Le Seigneur a promis, s’inspirant de son amour pour les hommes, de ne plus envoyer de déluge ; mais eux ne sont rendus meilleurs ni par les châtiments, ni par les bienfaits.
Ecoutez ce qui suit, et voyez la grandeur infinie de la divine miséricorde. Le Seigneur descendit. Dieu n’agit que pour notre bien ; c’est pour l’instruction du genre humain qu’il montre tant de condescendance. Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour. Il ne les arrête pas aussitôt, il use envers eux d’une grande patience, et ce n’est que lorsqu’ils ont pleinement manifesté leur perversité par leurs actes, qu’il s’oppose à leurs efforts. Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les enfants des hommes. Dans cette conduite de Dieu, vous pouvez y voir une nouvelle preuve éclatante de sa miséricorde : il permet que les hommes s’épuisent de fatigues et d’ennuis pour que leur expérience leur soit une sévère leçon. Comme il voit que leur malice augmente, il ne les laisse pas aller jusqu’au bout, cédant aux impulsions de sa bonté, tel un habile médecin en présence d’une plaie qui tend à devenir incurable, il emploie le fer sans hésiter afin d’enlever la cause même du mal. Voilà, dit Dieu, qu’ils ont tous une même langue comme une même origine. Ils ne s’arrêteront pas dans leur folle entreprise. Descendons pour confondre leurs langues, si bien qu’aucun d’eux ne comprenne son voisin. L’unité de langage les tient réunis en société, la diversité des langues les dispersera. Cette tour reçut à cause de cela le nom de confusion.
Gardons-nous, frères, de marcher sur la trace de ces hommes, et d’abuser des dons de Dieu.