sur Genèse 24, 1-27
Contemplation des choses divines
Saint Thomas d’Aquin
Pages choisies, p. 206s

Ce qui intéresse à titre principal la vie contemplative, c’est la contemplation de la vérité, car cette contemplation est la fin de toute vie humaine. Saint Augustin dit que la contemplation de Dieu nous est promise comme la fin de tous les actes et la perfection de toutes les joies, contemplation qui sera parfaite dans la vie future, lorsque nous verrons Dieu face à face et posséderons ainsi la béatitude parfaite. Ici-bas, nous ne pouvons accéder qu’à une imparfaite contemplation de Dieu, dans une miroir et dans le mystère : par cette contemplation imparfaite nous obtenons les prémices d’une béatitude qui commence ici-bas pour constituer la vie future.
Mais puisque c’est par les effets de Dieu que nous sommes conduits, comme par la main, à la contemplation de Dieu, selon le mot de saint Paul : La réalité invisible de Dieu est devenue visible, depuis la création du monde, par la connaissance que ses créatures nous en donnent. Il s’ensuit que la contemplation des effets de Dieu intéresse secondairement la vie contemplative, en ce sens qu’elle conduit l’homme à la connaissance de Dieu. Aussi saint Augustin dit-il que dans l’étude des créatures, il ne faut pas exercer une curiosité vaine et dangereuse, mais qu’il faut faire de cette étude une voie ascendante vers les réalités immortelles et inébranlables.
La contemplation peut être source de joie à double titre. Elle est source de joie en raison de l’acte même de contempler, car toute opération est agréable dès lors qu’elle s’accorde à la nature du sujet qui l’exerce et à ses formations acquises ; la contemplation de la vérité correspond aux tendances naturelles de l’homme, animal raisonnable : tous les hommes ont naturellement le désir de savoir, et par conséquent trouvent une joie dans la contemplation de la vérité.
L’objet contemplé constitue une autre source de joie, s’il est aimé du contemplant : ainsi la vision sensorielle, agréable par elle-même, cause un plaisir particulier quand elle a pour objet une personne aimée. Puisque la vie contemplative consiste principalement dans la contemplation de Dieu, à laquelle nous sommes inclinés par la charité, les joies de la vie contemplative ne procèdent pas seulement de la contemplation elle-même, mais encore de l’amour divin. A ce double titre, la vie contemplative contient des joies supérieures à toutes les joies humaines, car la joie spirituelle l’emporte sur le désir physique, et l’amour de Dieu qu’exerce la charité surpasse tout amour. Goûtez en voyez combien le Seigneur est doux.