Sur Luc 13, 1-9
Le figuier stérile
Saint Ambroise de Milan
Traité sur l’évangile de saint Luc, SC 52, VII, 160s, p. 67s

Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Le figuier est dans la vigne : or, il y avait une vigne du Dieu des armées qu’Il a livrée au pillage des nations. Ainsi donc, Celui qui a fait ravager sa vigne est également Celui qui donne l’ordre d’abattre le figuier !
En général, les arbres portent leurs fleurs avant leurs fruits : les fleurs annoncent les fruits à venir. Seul le figuier produit des fruits en place des fleurs ; le Cantique des cantiques (2,13) nous le dit : le figuier pousse ses premiers fruits. Lorsque les arbres se couvrent de blancheur au début du printemps, seul le figuier ne sait pas se blanchir par ses fleurs.
Adam et Eve, nos premiers parents, lorsqu’ils se sont couverts des feuilles de cet arbre, ont été exilés du paradis, fuyant la présence de Dieu. Ceux qui ont cueilli sur le figuier les feuilles et non les fruits ont été exclus du Royaume de Dieu. Le second Adam est venu : lui, il cherchait les fruits, non les feuilles ; il était esprit vivifiant, et c’est par l’esprit que le fruit de la vertu s’obtient, que le Seigneur est adoré.
Le Seigneur est venu trois années de suite, les trois années de sa vie publique : Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n’en trouve pas ! Abattez-le. Par trois fois, le Seigneur est venu à Abraham, puis à Moïse, enfin il est venu à Marie ; autrement dit, il est venu sous le signe de la circoncision, dans la Loi et dans son corps. Sa venue, nous la reconnaissons à ses bienfaits : tantôt il purifie, tantôt il sanctifie, tantôt il justifie ; la circoncision a purifié, la Loi a sanctifié, la grâce a justifié. Il est en toute cela, et tout cela ne fait qu’un. Car nul ne peut être purifié s’il ne craint le Seigneur, nul ne mérite de recevoir la Loi s’il n’est purifié de ses fautes, nul n’accède à la grâce s’il ne connaît la Loi.
Le bon jardinier intervient affectueusement pour que le figuier ne soit pas abattu : Laissez-le encore cette année, le temps que je sarcle autour de lui et que je lui mette du fumier. Ce qui a été dit du figuier, nous devons y prendre bien garde pour nous-mêmes, de crainte d’occuper le sol fécond de l’Eglise en étant dépourvu de mérites, nous qui devons porter des fruits intérieurs, des fruits de pudeur, des fruits d’union, des fruits de charité mutuelle et d’amour, pour n’être pas gâtés par l’air, ni abattus par la grêle, ni brulés par l’ardeur de la convoitise, ni détachés par l’humidité et la pluie.