Sur Genèse 35, 1-29
Aux martyrs : motifs de courage

Tertullien
Exhortation au martyre, « Votre âme est libre, Pères dans la foi 38, p. 25s

Consacrés pour rendre témoignage, vous n’avez donc fait que passer d’une prison dans un asile. Vous pouvez y demeurer dans l’obscurité, mais vous en êtes la lumière ; y être chargés d’entraves, mais vous êtes divinement libres ; y respirer des puanteurs, mais vous y êtes devant Dieu en odeur de suavité ; y attendre la sentence du juge, vous êtes destinés à juger vos juges eux-mêmes.
On peut s’y abandonner au chagrin quand on soupire après les délices du siècle ; le chrétien qui, même sans être en prison, a renoncé au siècle, ne peut guère se soucier d’y être enfermé. Peu importe d’être ici ou là dans le monde dès qu’on a renoncé au monde, et la perte de quelques avantages terrestres est amplement compensée par l’immense bonheur du ciel.
Mais sans parler encore de la récompense promise par Dieu aux martyrs, prolongeons la comparaison entre votre prison et le séjour du monde pour conclure à la supériorité des avantages qu’y trouve votre âme sur les détriments que subit votre corps. Allons plus loin, votre corps n’y perd rien. Il y trouve le nécessaire par la vigilance de l’Eglise et par la charité des fidèles, en même temps que l’âme y trouve tous les secours propres à entretenir la foi.
La prison fait trouver à un chrétien les mêmes avantages que les prophètes trouvaient dans le désert. Jésus Christ cherchait souvent la solitude pour être plus libre à prier et pour éviter les embarras du siècle. C’est aussi dans un lieu solitaire qu’il manifesta sa gloire à ses disciples.
Ne donnons donc plus le nom de prison au lieu où vous êtes : appelons-le plutôt retraite. Votre corps a beau y être enfermé, votre âme y est toujours libre de s’évader en esprit aussi loin que vous voudrez, non à travers de sombres allées et de longs portiques, mais en pensant au chemin assuré qui mène à Dieu. C’est quitter la prison que de suivre ainsi ce chemin de bonheur. L’âme transportée dans le ciel empêche alors la jambe de sentir le poids de ses chaînes. Elle entraîne avec elle l’homme tout entier et le transporte où va son désir. Notre trésor est bien où se trouve notre cœur. Tâchons donc de porter notre cœur là où nous voulons trouver notre bien véritable.