Sur Exode 17, 1-16
L’eau jaillie du rocher

Origène
Homélies sur l’Exode, Sources Chrétiennes 321, p. 329-331

Le peuple eut soif d’eau et on murmurait contre Moïse. Il peut sembler superflu de dire : « Le peuple eut soif d’eau » ; il suffisait de dire : « Il eut soif ». Qu’était-il besoin d’ajouter : « Il eut soif d’eau » ? Non, l’addition n’est pas superflue. Car il y a des soifs diverses, et chacun a la sienne propre. Les bienheureux, selon la parole du Seigneur, ont soif de justice. Et d’autres également disent : Mon âme a soif de toi, mon Dieu. Les pécheurs, eux, endurent « non pas une soif d’eau, ni une faim de pain, mais une soif d’entendre la parole de Dieu. De là donc l’addition ici : Le peuple a soif d’eau, quand il aurait dû avoir soif de Dieu, avoir soif de justice.
Mais Dieu qui est en vérité l’éducateur des enfants et le maître des sots, corrige les fautes, répare des erreurs. Il dit à Moïse de prendre son bâton, de frapper le rocher, de faire pour eux jaillir de l’eau. Car il veut que désormais, ils boivent au rocher, il veut qu’ils progressent et parviennent à l’intérieur des mystères. Ils murmurèrent contre Moïse, c’est pourquoi le Seigneur ordonne de leur montrer le rocher où ils boiraient. S’il en est qui, lisant Moïse, murmurent contre lui, à qui déplaît la Loi écrite selon la lettre, car souvent elle paraît manquer de cohérence, Moïse leur montre le rocher qui est le Christ ; il mène à ce rocher pour qu’ils y boivent, qu’ils étanchent leur soif. Mais ce rocher, s’il n’est pas frappé, ne donnera point d’eau ; frappé, il fait jaillir des sources. Car le Christ, frappé et mis en croix, a fait jaillir les sources du Nouveau Testament ; c’est pourquoi il est dit de lui : Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées. Il fallait donc qu’il fût frappé. S’il n’avait pas été frappé, et s’il n’était sorti de son côté de l’eau et du sang, nous endurerions tous la soif de la parole de Dieu. Telles est bien aussi l’interprétation de l’Apôtre : Tous ont mangé le même aliment spirituel, tous ont bu la même boisson spirituelle. Ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était le Christ. Fais attention quand même à ce que dit Dieu alors à Moïse : Passe en avant du peuple, et emmène avec toi les anciens du peuple, c’est-à-dire les presbytres. Moïse n’est pas le seul à conduire le peuple aux eaux du rocher, il y a encore avec lui les anciens du peuple. Car la Loi n’est pas la seule à annoncer le Christ, il y a aussi les prophètes, les patriarches et tous les anciens.