Sur Isaïe 58, 1-14
Le Carême, voyage vers Pâques

Alexandre Schmemann
Le grand Carême, introduction, p. 13-14

Lorsqu’un homme part en voyage, il doit savoir où il va. Ainsi en va-t-il du Carême. Avant tout, le Carême est un voyage spirituel et sa destination est Pâques, la « Fête des fêtes ». C’est la préparation à « l’accomplissement de la Pâque figurative, la vraie Révélation ». Nous devons donc essayer de comprendre cette relation entre le Carême et Pâques, car elle révèle quelque chose de très essentiel, quant à notre foi et à notre vie chrétienne.
Dans l’Eglise primitive, le principal but du Carême était de préparer au baptême les catéchumènes, c’est-à-dire les chrétiens nouvellement convertis, en un temps où le baptême était administré au cours de la liturgie pascale. Cependant, même lorsque l’Eglise ne baptisa plus des adultes et que l’institution du catéchuménat eut disparu, le sens fondamental du Carême demeura le même. Car, bien que nous soyons baptisés, ce que nous perdons et trahissons constamment, c’est précisément ce que nous avons reçu au baptême. C’est pourquoi Pâques est notre retour annuel à notre propre baptême, tandis que le Carême est notre préparation à ce retour, l’effort lent et soutenu pour, finalement, accomplir notre propre « passage », ou « pâque », dans la nouvelle Vie en Christ. Et si la liturgie de Carême conserve encore aujourd’hui son caractère catéchétique et baptismal, ce n’est pas comme un reste archéologique du passé, mais comme quelque chose de valable et d’essentiel pour nous. Car, chaque année, le Carême et Pâques nous font redécouvrir, une fois de plus, et recouvrer ce que le passage baptismal à travers la mort et la résurrection avait opéré en nous.
Un voyage, un pèlerinage. Et déjà, en l’entreprenant, dès le premier pas dans la « radieuse tristesse » du Carême, nous apercevons au loin, bien loin, la destination : la joie de Pâques, l’entrée dans la gloire du Royaume. Et c’est cette vision, l’avant-goût de Pâques, qui rend radieuse la tristesse du Carême, et qui fait de notre effort de Carême un « printemps spirituel ». La nuit peut être sombre et longue ; mais, tout au long du chemin, une aube mystérieuse et lumineuse pointe à l’horizon. « Ne déçois pas notre attente, ô Ami de l’homme ! »