Sur Exode 35,30 – 36,1 . 37,1-9
Le sanctuaire
David Banon
Le bruissement du texte, p. 85s

Le projet d’édification du sanctuaire et sa réalisation occupe la partie la plus importante des derniers chapitres du livre de l’Exode, ce qui ne va pas sans poser toute une série de problèmes, tels que la raison de ce commandement, les dons nécessaires à la construction de ce sanctuaire, sa conception architecturale, les matériaux utilisés, le mobilier, les habits de prêtrise, etc… et bien sûr la question est soulevée laquelle préoccupe et divise à la fois tous les commentateurs : à quel moment ce commandement a-t-il été signifié à Moïse ?
Il semble que le sanctuaire ne soit qu’une concession accordée par Dieu à la nature humaine qui ne saurait concevoir et accepter l’idée du Dieu invisible, L’homme se révèle souvent incapable de servir Dieu par le cœur et par la pensée sans tenter de lui donner une expression concrète, voire matérielle, et cela sans chercher à le localiser vraiment dans un espace, lui qui est le lieu du monde. Or le verset qui ordonne l’édification du sanctuaire est énigmatique : Ils me feront un sanctuaire et je résiderai parmi eux. On devrait plutôt attendre : Je résiderai en lui. Ce que n’ont pas manqué de souligner les commentateurs, comme si le sanctuaire était un signifiant sans signifié, qu’il ne refermait que le vide, étant donné que Dieu réside parmi les enfants d’Israël : Je résiderai au milieu des enfants d’Israël et je serai leur Dieu, et ils sauront que je suis leur Dieu, moi qui les ai fait sortir d’Egypte pour résider au milieu d’eux.
Mais puisqu’il faut un sanctuaire, celui-ci sera construit selon les indications précises de Dieu, car elles ne sont pas que des indications techniques : elles recèlent une conception de l’espace très singulière.
Le sanctuaire serait comme la version positive de la tour de Babel : la tour a été érigée pour combattre Dieu, le sanctuaire pour accueillir et recevoir Sa Parole. Dans le sanctuaire, on ne recourt à l’espace que pour y aménager la Parole, et surtout pour faire émerger les conditions du dialogue, pour l’accueillir, d’où l’absence de toit ! Dans la tour de Babel, tout était agencé de sorte que le dialogue soit évacué, n’ait pas lieu. Le sanctuaire n’est saint que s’il est l’instrument révélant et organisant la Parole. De plus, il doit être amovible, puisqu’il fallait le monter et le démonter à chaque déplacement. Sa technique architecturale est guidée par l’exigence dialogale Chaque partie s’emboîte, s’enserre et se sépare des autres. Chaque élément doit faire face et contenir l’autre. L’union présuppose une existence autonome qui devra au démontage repasser par la séparation avant de se livrer à nouveau à la ré-union.
Dans le sanctuaire, par le biais des techniques d’union et de séparation, d’assemblage et de symétrie, on a transposé, dans le domaine architectural, certaines règles du dialogue, faisant du sanctuaire une véritable tente de la rencontre ou d’assignation, assignation à la Loi, à la responsabilité.