Sur Esdras 7, 6-28
La joie après la captivité
Saint Augustin
Discours sur les Psaumes, tome II, Sur le psaume 125, p. 997s

Ramène, Seigneur, nos captifs comme le vent du Midi ramène les torrents au désert. Ecoutez bien ces paroles. Déjà il est dit : Quand le Seigneur délivrait Sion de la captivité. Ce langage est au passé, mais les prophètes se servent souvent du passé pour prédire l’avenir ! Car c’était au passé qu’il disait dans un autre psaume : Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os. Il ne dit point : Ils perceront mes pieds ; ni : Ils compteront mes os ; ni : Ils partageront mes vêtements ; il ne dit point : Ils tireront ma robe au sort ; tout cela est pour l’avenir, et le prophète en parle comme d’un passé. Car tout ce qui doit être, est, en Dieu, comme s’il était accompli. Quand donc le prophète nous dit : Lorsque le Seigneur délivrait Sion de la captivité, nous avons été comme ceux que l’on console ; alors notre bouche a été pleine de joie, et notre langue d’allégresse, il nous montre que, sous la figure du passé, il annonce l’avenir, puisqu’il ajoute : Alors on dira parmi les nations. On dira est au futur. Le Seigneur a manifesté sa gloire dans ce qu’il a fait pour nous : nous avons été comblés de joie. Quand on chantait ces cantiques, tout cela devait arriver, et maintenant nous le voyons s’accomplir. Le prophète prie comme pour l’avenir, lui qui, tout à l’heure, annonçait l’avenir sous la forme du passé : Seigneur, mettez fin à notre captivité. La captivité n’était donc point terminée encore, puisque le Rédempteur n’était point encore arrivé. Cette prière que l’on faisait à Dieu, quand on chantait ces psaumes, est donc maintenant accomplie : Seigneur, ramène-nous de notre captivité, comme le vent du Midi ramène le torrent. De même que le vent du Midi fait couler les torrents, fais cesser notre captivité. Dans un endroit de l’Ecriture, qui nous conseille et nous commande les bonnes œuvres, il est dit : Vos péché seront dissous comme la glace sous un ciel serein. Donc nos péchés nous resserraient. Comment ? Comme la glace resserre l’eau et l’empêche de couler. Le froid de nos péchés nous a gelés sous ses étreintes. Mais le vent du Midi est chaud : quand il souffle, il dissout les glaces, et les torrents se remplissent. La captivité nous avait donc gelés, nos péchés nous tenaient enchaînés ; mais le vent du Midi ou l’Esprit Saint a soufflé, nos péchés nous ont été remis et nous avons été dégagés du froid de l’iniquité, nos péchés ont fondu comme la glace au vent du Midi. Courons donc vers notre patrie comme les torrents au souffle du Midi. Ne vous laissez pas séduire par les vaines joies du monde, et voyez dans les choses d’ici-bas ce qu’il faut pleurer. L’enfant qui vient de naître pouvait rire tout d’abord ; pourquoi commence-t-il sa vie en pleurant ? Pourquoi sait-il déjà pleurer quand il ne sait point rire encore ? C’est parce qu’il est entré dans cette vie. S’il est au nombre de nos captifs, il gémit, il pleure ; mais la joie viendra un jour.