Jean 15, 9-17

« Aimez…, comme je vous ai aimés »

Joseph l’Hésychaste, moine du Mont-Athos

Lettres Spirituelles, p. 265s

       Même si j’étais assisté de toutes les langues des hommes issus d’Adam, même alors il me semble impossible d’être digne de célébrer l’amour comme il convient. Que pourrais-je dire qui en soit digne ? Aucune langue mortelle ne peut dire un tant soit peu quelque chose de l’amour, si Dieu, qui est la vérité même et l’amour, ne nous dispense l’énergie de la parole, de la sagesse et de la connaissance. Car l’amour n’est rien d’autre que le Père et le Sauveur lui-même, Jésus, avec le divin Esprit.

       De nos jours, bien des personnes bonnes et vertueuses, qui mènent une vie effectivement droite et agréable à Dieu par leurs actions et leurs paroles, s’imaginent qu’elles ont atteint l’amour divin, grâce à l’œuvre insignifiante de miséricorde et de compassion dont elles font preuve à l’égard de leur prochain. Mais ce n’est pas la vérité, car elles ne font qu’accomplir le commandement du Seigneur qui a dit : Aimez-vous les uns les autres. Celui qui garde ce précepte est certes digne de louanges, comme quelqu’un qui garde les divins préceptes, mais ce n’est pas là l’opération de l’amour divin. C’est une voie qui mène à la source, mais ce n’est pas la source. Ce sont des marches d’escalier qui monte vers le palais, mais ce n’est pas même l’entrée du palais. C’est un vêtement royal, mais  ce n’est pas le roi. C’est un commandement de Dieu, mais ce n’est pas Dieu.

          C’est pourquoi, frère, tu peux tenir cela pour certain : accomplir le commandement de l’amour par des œuvres accomplies par amour fraternel, c’est une chose, mais l’opération de l’amour divin en est une autre. Tous les hommes peuvent, s’ils le veulent et en se forçant, accomplir le précepte d’amour fraternel. Mais ce n’est pas le cas pour l’amour divin. L’amour divin, lui, ne résulte pas de nos œuvres et ne dépend pas de notre vouloir ; il ne peut pas non plus se manifester si nous le voulons, quand nous le voulons et comme nous voulons. Il dépend de la source de l’amour qu’est notre très doux et Seigneur Jésus, qui nous le donne s’il le veut, comme il le veut et quand il le veut.