Luc 4, 14-22a

Et Jésus, poussé par l’Esprit, revint en Galilée

Saint Ambroise de Milan

Traité sur l’évangile de Luc, SC 45bis, tome 1, p. 168s

        Alors Jésus, avec la puissance de l’Esprit, revint en Galilée. En cet endroit s’accomplit la prophétie d’Isaïe : Le pays de Zabulon et la terre de Nephtali, et les autres habitants du littoral, ceux des bords de la mer et au-delà du Jourdain, de la Galilée des Gentils, peuple assis à l’ombre de la mort, ont vu une grande lumière. Qui est la grande lumière, sinon le Christ qui éclaire tout homme venant en ce monde.

        Jésus, selon la coutume, le jour du sabbat, entra dans la synagogue. On lui donna le livre du prophète Isaïe ; il le déroula et trouva tout de suite le passage qu’il cherchait ; personne ne le lui a montré ce passage, il ne l’a pas reçu d’un autre, il le trouve de lui-même pour bien montrer que c’est Lui qui a parlé par les prophètes et couper court au blasphème des incroyants qui disent qu’il y a un Dieu de l’Ancien Testament, un autre du Nouveau, ou bien que le Christ commence à partir de la Vierge : comment prend-Il origine de la Vierge, puisqu’avant la Vierge, Il parlait !

        En vérité, je vous le dis : nul prophète n’est accueilli dans sa patrie. Ce n’est pas à demi que l’animosité se trahit : oublieuse de l’amour entre compatriotes, elle fait servir à des haines cruelles les motifs d’aimer. En même temps, ce trait comme cette parole, prouve que vous attendez en vain le bienfait de la miséricorde céleste si vous en voulez aux fruits de la vertu des autres. Car Dieu méprise les envieux, et, de ceux qui persécutent chez autrui les bienfaits divins, Il détourne les merveilles de sa puissance. Les actes du Seigneur en sa chair sont l’expression de sa divinité, et ce qu’Il a d’invisible nous est montré par ce qui est visible. Ce n’est donc pas sans motif que le Seigneur se disculpe de n’avoir pas accompli de miracles de sa puissance dans sa patrie, afin que nul ne s’avise de croire que l’amour de la patrie doit avoir pour nous peu de valeur : Il ne pouvait pas ne pas aimer ses concitoyens, aimant tous les hommes ; mais ce sont eux qui, par leur haine, ont renoncé à cet amour de sa patrie. Car l’amour n’est pas envieux, ne se gonfle pas. Et pourtant cette patrie n’a pas été exclue des bienfaits divins : quel miracle plus grand que la naissance, la croissance et la vie du Christ chez elle ? Voyez donc quels maux procure la haine ; à cause de sa haine, cette patrie est jugée indigne qu’Il opère en elle comme son citoyen, après avoir eu cette dignité que le Fils de Dieu naquit, et vécut en elle.