Genèse 4, 1-24

Quelles offrandes offrir ?

Saint Augustin

La Cité de Dieu, Livre XV, 7, p. 55s

        Dieu avait choisi parmi les sacrifices des deux frères, agréant ceux d’Abel, rejetant ceux de Caïn, ce qu’à n’en pas douter on put reconnaître par un témoignage significatif et visible ; Dieu agit ainsi parce que les œuvres de l’un étaient mauvaises, et bonnes celles de son frère. Aussi Caïn fut-il fort contristé et son visage abattu. Dieu dit à Caïn : Pourquoi es-tu triste, pourquoi ton visage est-il abattu ? Si ton offrande est juste, mais non pas ton partage, n’as-tu pas péché ? Un sacrifice est juste quand il est offert au véritable Dieu à qui seul il est dû ; mais le partage n’est pas juste quand on fait un mauvais discernement des lieux, des temps, des choses mêmes qu’on offre, de celui qui les offre, de celui à qui on les offre, de ceux à qui on les distribue en nourriture, soit qu’on offre ce qu’il ne faut pas, ou ce qu’il ne convient pas d’offrir maintenant mais à un autre moment, soit qu’on offre quand il ne faut pas ou ce qui ne convient pas, soit que parmi ces offrandes, on garde pour soi les meilleures part de celles qu’on présente à Dieu. On voit que si Dieu se détourne de l’offrande de Caïn, c’est qu’il la partage mal, donnant à Dieu quelque chose de ses biens, mais sa personne il la gardait pour lui.

        Ainsi agissent tous ceux qui ne recherchent pas la volonté de Dieu, mais la leur, ne vivant pas avec un cœur droit mais avec un cœur pervers, et qui pourtant offrent à Dieu leurs présents, s’imaginant par là acheter ses faveurs, non pour guérir leurs passions dépravées, mais pour les satisfaire. Tel est le propre de la cité terrestre : honorer Dieu ou les dieux afin de régner par leurs secours dans les victoires et la paix terrestre, non par la charité qui se dévoue, mais par la passion qui domine. Car les bons usent du monde pour jouir de Dieu ; les méchants, au contraire, pour jouir du monde veulent user de Dieu ; ceux-là du moins qui croient soit que Dieu existe, soit qu’il prend soin des choses humaines. Car il en est de pires encore, ceux qui n’y croient même pas.