Lévitique 16, 2-28

Le bouc émissaire

Saint Cyrille d’Alexandrie

Sur le Lévitique, PG 69, 585-589

 

        Certains pensent que le bouc émissaire envoyé dans le désert était voué à un esprit mauvais et impur ; mais cette opinion ne peut venir que d’une superstition absurde. Cherchons alors le sens de ce rite. On amenait deux boucs ; tous les deux étaient grands et beaux, de même couleur et de même valeur. On écrivait deux sorts, qui désignaient les noms des boucs au gré du Législateur : l’un était dénommé Seigneur, l’autre Emissaire, émissaire parce qu’envoyé. Le bouc étiqueté Seigneur était immolé selon le rite : par son sang, il sanctifiait le sanctuaire intérieur, et aussi l’autel des holocaustes qui était à l’extérieur. Quant à Emissaire, l’autre bouc, il était envoyé dans le désert après qu’Aaron eût confessé sur lui les péchés des enfants d’Israël. Or l’un et l’autre bouc sont une figure du Christ. Car le Christ est mort, en tant qu’homme, immolé pour nous ; et il est figuré par ce bouc qui était immolé pour la rémission des péchés ; par son sang, le Christ a sanctifié l’Eglise, qui est préfigurée par le sanctuaire intérieur, et il a sanctifié également ceux qui étaient sous la Loi, puisque le sang du bouc sanctifiait aussi l’autel des sacrifices de l’Ancienne Loi. Or, la Loi ne contient pas l’achèvement : c’est le Christ qui apporte l’achèvement, et qui sanctifie par son sang ceux qui ont vécu au temps des sacrifices antiques.

        Le Christ a donc été immolé pour nos péchés, mais il est ressuscité, et il est monté dans une région qui nous est inaccessible, le ciel, emportant pour ainsi dire nos péchés. L’Ecriture le dit : Il enlève nos péchés. C’est cela, me semble-t-il, que représente Emissaire. Le Christ est émissaire, c’est-à-dire envoyé dans la Cité d’en-haut pour se présenter devant Dieu à notre place. Et c’est exactement ce qu’il fit : Si quelqu’un pèche, affirme saint Jean, nous avons un avocat, Jésus. Il est la propitiation pour nos péchés, et pas seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier. Avocat en notre faveur, il a émigré dans une région qui est inaccessible aux hommes, et que le désert pouvait préfigurer.

        La parité des deux boucs signifiait mystérieusement que le Christ est identiquement le même quand il meurt et quand il ressuscite. Pour que le bouc figuratif ressuscitât, il aurait fallu un miracle, et Dieu n’aime pas l’ostentation, bien qu’il ait le pouvoir de faire n’importe quel miracle. C’est pourquoi, dans son dessein admirable, il demandait deux boucs parfaitement semblables l’un et l’autre.

        De même dans la guérison de la lèpre, le Législateur demandait deux oiselets dont l’un était immolé et l’autre relâché. C’est ainsi que la Loi, en bien des endroits et de bien des manières, nous enseigne le Mystère du Christ.