Actes 1, 15-26

« Désigne celui que tu choisis »

Pères Philippe Bossuyt et Jean Radermakers

Témoins de la Parole de la Grâce, Actes des Apôtres, p. 134s

          Pour pouvoir être apôtre-envoyé, cela va de soi, il fallait avoir été choisi par Dieu. C’est le sens de la prière des disciples : Toi, Seigneur, qui connais le cœur de tous, indique celui que tu choisis. Rien d’étonnant, dès lors, que l’homme désigné par Dieu s’appelle Matthias, ce qui signifie « don de Dieu ».

            Une première sélection avait été effectuée, mettant à part un certain Joseph, appelé Bar Sabbas, peut-être en raison de sa naissance un jour de sabbat, surnommé Le Juste, puis Matthias sur qui tombe le sort. Le tirage au sort, au lieu de la nomination par vote de l’assemblée, manifestait le désir de laisser à Dieu la libre décision du choix. On connaît l’usage biblique du tirage au sort appliqué à la Terre Sainte, au roi d’Israël, ou à des fonctions sacerdotales. Au début de l’évangile de Luc, Zacharie avait obtenu par le sort la charge d’offrir l’encens au sanctuaire. Dans la communauté de Qumrân, les services étaient également attribués par le sort, qui déterminait pareillement le lot eschatologique ou part éternelle réservée par Dieu ; l’infidèle plaçait son lot au milieu des maudit, c’est-à-dire qu’il se mettait, par son comportement, au rang des réprouvés. L’analogie avec notre texte deviendrait alors frappante : ne lit-on pas que Judas a délaissé sa place pour aller à la place qui est la sienne, il a donc abandonné la place de son service et de son envoi. Il se trouvait mis au nombre des Douze, dont la fonction eschatologique paraît claire, d’après la disposition prise par Jésus à la dernière scène : Je dispose pour vous, selon ce que mon Père disposera pour moi du Royaume, afin que vous mangiez et buviez sans cesse à ma table, et vous serez assis sur des trônes, jugeant les douze tribus d’Israël.

            Les Actes des Apôtres débutent par un double deuil des disciples : celui de Jésus définitivement disparu aux yeux des siens, mais promettant de répandre sur eux son Esprit Saint, et celui de Judas, dont la fonction est désormais assumée par Matthias sans que soit effacé le souvenir de la trahison. En effet, celle-ci est mentionnée dans la prière des psaumes attribués à David, roi issu de la tribu de Juda, et récités par Juifs et chrétiens : Dieu sauvera Sion, il rebâtira les villes de Juda ; Eux maudissent, et toi tu bénis. Le texte ne veut cacher ni l’absence du Maître, ni la défection du disciple, mais il souligne avec force que le plan salutaire de Dieu se réalise à travers la mort du Juste et celle du traître. Matthias va dès lors symboliser le don de Dieu qu’est l’Esprit-Saint.