Job 29,1-10 + 30,1-9+23

Nouvelle complainte de Job

Dany Nocquet

Le livre de Job : aux prises avec la justice divine, p. 74s

          Le dernier poème du Job s’ouvre sur un rappel nostalgique. Nostalgie étonnante ! Rappelons-nous qu’au début du livre, Job avait renié toute sa vie en remettant en cause le jour de sa naissance. Avec la métaphore du Rocher qui verse des torrents d’huile, Job reconnaît le compagnonnage passé de Dieu, en rappelant qu’il l’entourait d’une prospérité considérable. Il fait le décompte de ce passé glorieux non pas de juste exemplaire, mais plutôt de juge ou de roi idéal jouissant d’une autorité sans égale, accomplissant les actes de justice auprès des plus défavorisés, selon la Loi.

          Alors qu’au début du livre, il s’agissait surtout de la rectitude religieuse de Job dans son rapport avec Dieu, ici est développée la rectitude morale, sociale du chef qu’est Job, le plus grand des fils d’Orient. Job décline ce que furent ses espérances et toutes ses actions bienfaitrices semblable à celles de Salomon, roi idéalisé. Job est ici un roi mythique et sage, soutenu divinement, qui a accompli de manière irréprochable et exemplaire ses devoirs de roi en matière de justice, de conseil, et de consolation des affligés. Il réalisait la fonction royale par excellence qui est de partager la bénédiction divine sur son peuple, puisque ses paroles sont comparées à la venue de la pluie.

          Faut-il voir dans cet autoportrait flatteur, exemplaire et idéal, la tentation orgueilleuse, la tentation d’un enfermement sur soi dans une autojustification stérile ? Ce poème n’exprime-t-il pas plutôt le désir d’être consolé, et une espérance légitime, toute humaine, une espérance de vieux jours paisibles, mérités, après tant de services rendus ?

          Entre la grandeur passée de Job et sa position actuelle, le contraste est saisissant. Job redit son incroyable chute qui fait de lui la risée des plus jeunes. Le récit de sa situation présente est scandé par la répétition des « Et maintenant ». Ils introduisent le constat multiforme de sa ruine sociale et physique, ruine qui prend les traits d’une déchéance royale.