Job 40,6-24 + 42,1-6

Lettre sur la pauvreté

Saint Ignace de Loyola

Lettres de saint Ignace, Christus, n° 137, p. 103s

          La sagesse qui ne peut pas se tromper a voulu montrer au monde, comme dit saint Bernard, combien précieuse était la perle de la pauvreté, dont le monde ne connaissait pas la valeur. Elle l’a choisie afin que sa doctrine : Bienheureux ceux qui ont faim et soif, bienheureux les pauvres,… fût en accord avec sa vie.

          Il apparaît aussi combien la pauvreté est appréciée de Dieu quand on voit que ses amis les plus choisis, surtout dans le Nouveau Testament, à commencer par la très sainte Mère de Dieu et les Apôtres, et en continuant tous les temps jusqu’au nôtre, ont été communément pauvres, en sujet qui imitent leur roi, en soldats qui imitent leur capitaine, en membres qui imitent leur chef, le Christ.

          Les pauvres sont si grands au regard de Dieu, que pour eux Jésus-Christ fut spécialement envoyé sur terre. A cause du malheureux qu’on dépouille, du pauvre qui gémit, maintenant je me lève, dit le Seigneur. Jésus-Christ le rappelle en disant : Les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Ils sont tellement préférés aux riches que Jésus-Christ a voulu choisir le très saint collège des Apôtres parmi les pauvres, qu’il a voulu vivre et converser avec eux, qu’il les a laissés comme chefs de son Eglise, qu’il les a constitués juges sur les douze tribus d’Israël, c’est-à-dire tous les fidèles, eux dont les pauvres seront les assesseurs. Si élevé est leur état !

          L’amitié des pauvres fait devenir ami du roi éternel. L’amour de la pauvreté nous fait rois, même sur la terre, et rois non de la terre, mais du ciel. Cela se comprend, puisque si le royaume du ciel est promis pour l’avenir aux autres, pour les pauvres et pour ceux qui souffrent tribulation, il est promis pour le présent par l’immuable Vérité : Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux, parce que déjà maintenant ils ont droit au royaume.