Esther 14,1-19

S’affliger devant la mort est un manque de foi

Saint Cyprien de Carthage

Le chrétien devant la mort, PdF 14, p. 32s

          Nous ne devons pas nous affliger du rappel à Dieu de nos frères, puisque nous savons bien qu’ils ne sont pas perdus, mais qu’ils ne font que nous devancer : combien de fois ce précepte nous a-t-il été révélé, à nous les plus modestes et les plus humbles, et combien de fois Dieu m’a-t-il chargé ouvertement de vous le proclamer dans mes prédications ! Nous savons effectivement qu’ils ne nous quittent que pour nous précéder comme le font couramment les voyageurs ou les navigateurs ; que nous pouvons les regretter, sans pour autant pleurer leur perte ; qu’il est tout à fait inopportun de porter des vêtements noirs au moment où nos morts revêtent déjà une tenue éclatante ; qu’il faut enfin éviter de donner aux païens l’occasion, certes justifiée, de nous blâmer de pleurer ceux qui désormais vivent auprès de Dieu comme s’ils étaient anéantis, et par là-même de jeter un discrédit sur notre foi. En effet, ferions-nous autre chose en l’occurrence que démentir par notre réaction profonde la foi que nous proclamons dans nos discours ? Nous trahissons ainsi notre espérance et notre foi, et nos affirmations passent pour un simulacre, un mensonge, un artifice. A quoi sert-il de prôner la vertu en paroles et de se contredire dans les actes ?

            L’apôtre Paul invective tout homme qui éprouve de la tristesse à la mort des siens, il le blâme et l’accuse même : Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez ignorants au sujet des morts ; il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres qui n’ont pas d’espérance. Puisque nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité, de même ceux qui se sont endormis en Jésus, Dieu les emmènera avec lui. Ce qui revient à dire que, ceux qui s’affligent de la mort des leurs, sont ceux, en fait, qui n’ont pas d’espérance. Or, nous qui vivons dans l’espoir, et qui croyons en Dieu, nous qui avons la conviction que le Christ a souffert pour nous et qu’il est ressuscité, pourquoi refusons-nous de quitter ce monde, alors que nous demeurons dans le Christ et que nous sommes régénérés par lui et en lui ? Pourquoi nous affligeons-nous tant du départ des nôtres comme s’ils étaient perdus à jamais ; le Christ n’a-t-il pas dit : Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Si nous croyons en Jésus-Christ, si nous avons confiance en ses paroles et ses promesses, nous ne mourons jamais. Allons alors vers lui et toute quiétude et dans la joie, lui avec qui nous vivrons et règnerons pour toujours.