La royauté du Christ aujourd’hui et à la fin des temps

Père Yves-Marie Congar

David et Salomon, types du Christ en ses évènements, VS 1954, p. 325s

 

Dès que le Verbe de Dieu prend chair humaine dans le sein de Marie pour être le Sauveur du monde, il possède dans son humanité la plénitude et l’efficacité des énergies par lesquelles Dieu veut restaurer toutes choses et les amener à sa communion. La réalité plénière de cette communion et de cette restauration est ce Royaume qu’il doit instaurer, puis offrir en hommage au Père. C’est ce Royaume qui est annoncé par les prophètes, et qui faisait l’objet de l’espérance et de l’attente des Juifs, y compris des apôtres avant la Pentecôte. Les prophètes annonçaient, et les Juifs espéraient une restauration dont Israël serait le premier bénéficiaire et qui atteindrait l’ordre extérieur des choses.

Quand Jean-Baptiste et Jésus commencent leur ministère, ils proclament que le Royaume de Dieu est proche, et qu’il est arrivé. En un sens, ce que les prophètes annonçaient est advenu par Jésus-Christ : les signes messianiques sont posés, les aveugles voient, les boiteux marchent, pour tous est proclamé un temps d’élargissement. Et pourtant, les hommes souffrent toujours et continuent de se faire la guerre comme si le Royaume de Dieu n’était pas descendu sur terre ; apparemment, rien n’est changé dans le monde.

L’Evangile et les écrits apostoliques nous montrent que le plan de Dieu, connu par la Révélation, est à deux étapes. Il nous donne d’abord la cause de salut et la restauration de toutes choses, mais il réserve l’entier déploiement de sa puissance et la plénitude de ses effets pour un temps final, encore à venir, la Parousie (le retour du Christ) ou l’eschatologie (le temps et l’ordre de la fin). Certes Jésus-Christ est venu, et avec lui le renouvellement total, mais il doit revenir encore et, comme le dit saint Pierre au lendemain de la Pentecôte, le ciel doit le recevoir jusqu’au jour du rétablissement de toutes choses, jour dont Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses anciens prophètes. Nous voudrions voir venir un ordre de choses : c’est une personne qui est venue ; nous voudrions tenir le Royaume, et nous n’en recevons que le Roi ! Certes, ce Roi est puissant, et dès lors nous chantons de lui qu’il porte l’Empire sur ses épaules ; mais il ne déploie pas dès l’abord toute sa puissance, devant être Sauveur par la croix et ne voulant pas, avant le temps, forcer nos libertés sous l’évidence de son irrésistible autorité.