Jésus, Plénitude de l’Univers

Père Pierre Teilhard de Chardin

Hymne de l’Univers, p. 158s

 

Tu es, Jésus, le résumé et le faîte de toute personne humaine et de tout l’Univers. Pas un trait de beauté, pas un charme de bonté, pas un élément de force, qui ne trouve en Toi son expression épurée et son couronnement… Quand je Te possède, je tiens vraiment ramassé en un seul objet la réunion idéale de tout ce que l’Univers peut donner et faire rêver. La saveur unique de ton Etre admirable, a si bien extrait et synthétisé les goûts les plus exquis que la Terre contienne et suggère, que nous pouvons maintenant, suivant nos désirs, les trouver l’un après l’autre, indéfiniment en Toi, ô Pain qui renferme toute délectation !

Plénitude Toi-même de l’être créé, Tu es aussi, Jésus, la plénitude de mon être personnel, et celle de tous les vivants qui acceptent ta domination. En Toi et en Toi seul, comme dans un abîme sans bornes, nos puissances peuvent se lancer et se détendre, donner leur pleine mesure, sans se heurter à aucune limite ; plonger dans l’amour et dans l’abandon, avec la certitude de ne trouver dans tes profondeurs l’écueil d’aucun défaut, le fond d’aucune petitesse, le courant d’aucune perversion.

Par Toi et par Toi seul, Objet total et approprié de nos affections, Energie créatrice qui sonde le secret de nos cœurs et le mystère de nos accroissements, notre âme est éveillée, sensibilisée, agrandie, jusqu’à la limite extrême de ses latences.

Sous ton influence, et ton influence seule enfin, l’enveloppe d’isolement organique et d’égoïsme volontaire qui sépare les monades, au fond, éclate, et la foule des âmes se précipite vers l’union nécessaire à la maturité de Monde.

Ainsi, une troisième plénitude s’ajoutant aux deux autres, Tu es, Jésus, en un sens très vrai, l’ensemble de tous les êtres qui s’abritent, et qui se retrouvent, à jamais unis, dans les liens mystiques de ton organisme. En ton sein, mon Dieu, mieux que dans aucune étreinte, je possède tous ceux que j’aime, illuminés de ta beauté, et t’illuminant à leur tour des rayons, si actifs sur nos cœurs, qu’ils ont reçus de Toi et qu’ils Te renvoient. La multitude décourageante des êtres, sur qui je voudrais agir pour les éclairer et les conduire, elle est là, groupée en Toi, Seigneur. Par ton intermédiaire, je puis toucher à l’intime de chaque être, et faire passer en lui ce que je désire, si je sais Te prier, et si Tu le permets.