Actes 6,8 – 7,2s + 44-60

Présentation d’’Etienne

Dom Célestin Charlier

Le manifeste d’Etienne, BVC 3, 1953, p. 83s

 

Les circonstances qui accompagnent l’entrée en scène d’Etienne, dans le récit du livre des Actes des Apôtres, mettent tout de suite en évidence le sens de sa destinée.

On était dans les premières années de la communauté de Jérusalem. Quoiqu’elle eût déjà à souffrir de l’attitude hostile des dirigeants du Judaïsme officiel, la jeune communauté, issue de Jésus, ne songeait nullement à rompre avec la religion ancestrale. Elle avait les faveurs du peuple, s’accroissait régulièrement, et voyait même venir à elle de nombreux prêtres. Dans leur ferveur, les nouveaux convertis à la foi en Jésus-Christ, tout comme d’ailleurs les disciples qui avaient connu le Maître, ne pouvaient encore concevoir l’idée d’un très long délai avant le retour glorieux de leur Chef. Tous ceux qui croyaient étaient ensemble et avaient tout mis en commun. Ils disposaient ainsi de ressources suffisantes et se trouvaient dans les conditions religieuses les plus favorables à la préparation spirituelle du grand Evènement.

En se convertissant au Christ, les Juifs, Hébreux d’origine, ou Hellénistes, d’origine grecque, n’avaient pas pour autant déposé leurs préjugés respectifs. Sans doute majoritaire, les palestiniens cédèrent à la tentation de favoriser les leurs dans la répartition des secours. En instituant le diaconat pour régulariser cette situation, les apôtres semblent avoir voulu rétablir l’équilibre. Les noms grecs de six élus sur sept attestent leur origine. Etienne, en tout cas, le premier des sept, est certainement d’origine hellénistique, car c’est dans la synagogue des Juifs de la Diaspora que nous le voyons prononcer son retentissant discours.

De son origine, Etienne doit avoir gardé un sens de l’homme et du monde, ouvert aux larges perspectives de l’hellénisme alexandrin ; mais la foi en Jésus lui fait dépasser la mauvaise humeur frondeuse de ses congénères contre le Judaïsme de Jérusalem. Il va les heurter à leur tour en demandant au fait chrétien la justification de l’anti-particularisme religieux auquel, pour une part, le prédisposait son milieu. Il le fera avec une force, une puissance de persuasion et une rigueur logique qui dénotent, en même temps qu’un tempérament de penseur hardi, l’intuitivité géniale d’un précurseur. Ces qualités d’homme, l’Esprit les a informées et muées en audace de foi. Etienne est le premier à prévoir et à accepter l’émancipation de la jeune Communauté par rapport au Judaïsme, et ce n’est pas sans raison que le récit des Actes fait déposer les manteaux de ses bourreaux aux pieds d’un jeune homme appelé Saul.