Matthieu 2, 13-18

Le massacre des Innocents

Saint Grégoire de Nysse

Sur la naissance de Jésus-Christ, dans Le Mystère de Noël, Ichtus, p. 170s

 

Quels mots pourraient retracer ces scènes de détresse ? Quel récit pourrait évoquer ces souffrances ? Ces cris et cette rumeur ? Les tristes pleurs d’enfants, de mères, de pères, d’amis, et les douloureux appels qu’ils élèvent aux menaces des bourreaux ? Qui saurait décrire le bourreau brandissant son glaive nu sur un tout-petit, l’œil féroce et sanglant, la voix terrible, et traînant d’une main l’enfant jusqu’à ses pieds, et de l’autre levant l’épée ? Et la mère, tirant son enfant vers son sein, et tendant sa propre nuque au fil de l’épée, afin de ne point voir de ses yeux son malheureux petit déchiré par la main du bourreau ? Qui saurait exprimer le désespoir des pères ? Leurs adieux, leurs larmes, les derniers baisers dont ils couvrent leur fils ? Surtout lorsque ces scènes affreuses se répètent tant de fois en un seul jour ! Qui saurait évoquer ces tragédies si nombreuses et si diverses, les douleurs qui à nouveau étreignent les jeunes accouchées, l’atroce brûlure de l’amour maternel ? De malheureux nourrissons, les lèves collées au sein, reçoivent le coup fatal dans les bras de leur mère ! Celles-ci, horrifiées, pressant sur leur poitrine la bouche de leur enfant, sont soudain inondées de leur sang. Que de fois le bourreau, levant brutalement le bras, massacre d’un seul coup et l’enfant et la mère, répandant à flots un sang qui est à la fois celui d’une mère et celui d’un fils.

Or, l’atroce sentence d’Hérode ne décrétait pas seulement le massacre des nouveau-nés, elle voulait encore que périssent les enfants jusqu’à l’âge de deux ans. L’Ecriture dit effet : tous les enfants de moins de deux ans. Nouveaux déchirements alors, vous l’imaginez, car nombreuses étaient les mères qui avaient eu deux enfants durant cette période. Quelles nouvelles scènes d’horreur vivaient alors ces malheureuses ! Deux bourreaux s’acharnaient sur une seule mère : l’un entraînait un enfant qui tentait de fuir, l’autre arrachait du sein le nourrisson qu’elle allaitait. Quels tourments endurait la malheureuse ! Déchirée entre ses deux petits, qui brûlaient l’un et l’autre ses entrailles du même feu, elle ne savait lequel suivre des sauvages bourreaux, qui emportaient au trépas ses enfants dans deux directions opposées. Court-elle derrière le plus jeune, aux vagissements encore indistincts ? Mais elle entend l’aîné, qui parle déjà, l’appeler d’une petite voix brisée de pleurs. Que faire ? Où aller ? A quel cri son propre cri répondra-t-il ? A quels pleurs ses propres larmes ? Sur quel mort se lamenter lorsque l’amour la torture pour les deux à la fois ?