Romains 6, 12-23

Heureux les martyrs

Saint Augustin

Sermon 273, 5-6, OC 18, p. 403s

 

          Nous sommes en tous lieux la bonne odeur de Jésus-Christ à l’égard de ceux qui se sauvent et à l’égard de ceux qui périssent, écrit saint Paul aux Corinthiens. Nous sommes cependant la bonne odeur qui est pour les uns une odeur de vie, mais pour les autres, odeur de mort. Cette odeur vivifie ceux qui l’aiment, elle tue les envieux. Si les saints ne brillaient pas d’un si vif éclat, ils ne seraient pas exposés à la jalousie des impies. La bonne odeur des saints a été en butte à la persécution, mais ils étaient comme les vases qui contiennent des parfums : plus on les brisait, et plus l’odeur se répandait au loin.

          Heureux les martyrs dont, pour certains, on peut lire les Actes ! Heureuse sainte Agnès qui a souffert le martyre à pareil jour ! Cette vierge justifiait parfaitement le nom qu’elle portait. Agnès signifie, en latin, jeune agneau, et, en grec, ce mot veut dire chaste. Elle était vraiment ce que son  nom indique, et elle était digne de la couronne d’immortalité. Que vous dirai-je donc, frères, de ces hommes à qui les païens ont rendu les honneurs divins, à qui ils ont élevé des temples et des autels, consacré des prêtres, immolé des victimes ? Ai-je besoin de vous dire qu’ils ne sont point  à comparer à nos martyrs ? Mais cette seule proposition est pour eux un outrage. Loin de nous la pensée de comparer ces divinités sacrilèges aux fidèles, quelque faibles qu’ils soient, et quand même encore charnels. Qu’est-ce que Junon en comparaison d’une pauvre vieille chrétienne ? Peut-on comparer Hercule à un vieillard chrétien, malade et tremblant de ses membres ? Hercule a triomphé de Cacus, il a triomphé d’un lion, il a vaincu Cerbère. Le saint évêque Fructueux a été vainqueur du monde entier ; comparez ici l’un avec l’autre ! Sainte Agnès, jeune enfant de treize ans, a triomphé du démon. Cette jeune vierge a été victorieuse de celui qui s’est servi d’Hercule pour en tromper un si grand nombre.

          Nos martyrs ne peuvent souffrir aucune comparaison avec ces faux dieux ; nous ne les regardons pas, nous ne les adorons pas comme des dieux. Nous ne leur élevons ni temples, ni autels ; nous ne leur offrons point de sacrifices. Non, ce n’est point à eux, mais à Dieu seul que nos prêtres offrent des sacrifices. Tous ces hommages divins sont réservés à Dieu, auteur de tous les biens. Lors même que nous offrons le sacrifice sur le tombeau des martyrs, n’est-ce pas à Dieu que nous l’offrons ?