Marc 6, 34-44

La multiplication des pains

Père Edmond Barbotin

Humanité de Dieu, le repas de Dieu, p. 315s

 

Les récits de la multiplication des pains, rapportés par les évangélistes, se détachent sur les souvenirs de l’Exode et en reçoivent une part de leur signification ; mais ils se placent aussi dans la perspective messianique de l’institution eucharistique et du festin eschatologique.

Ces récits ont lieu au désert, lieu de la pénurie mortelle, lieu aussi du don de la manne. La foule affamée est considérable ; la consigne de Jésus aux disciples, Donnez-leur vous-mêmes à manger, est irréalisable ; le dénombrement des ressources en vivre fait sentir à dessein aux témoins l’impuissance des moyens humains.

Ordre étant donné de s’asseoir sur l’herbe par groupes, Jésus prend les pains et les poissons ; levant les yeux au ciel, Jésus les attire à lui dans l’espace gestuel qui est celui de tout travail, de toute transformation, il prononce les paroles de la bénédiction, puis, d’un geste inverse du premier, rend et distribue les aliments aux disciples, et, par eux, à la foule. Le lieu de la faim devient alors celui de la satiété : tous mangèrent et furent rassasiés, lieu de la surabondance : des reliefs du repas, on remplit plusieurs corbeilles.

Ce repas inespéré a valeur de révélation. Dieu seul avait pu, autrefois, nourrir Israël au désert. Le geste de Jésus manifeste qu’en lui Dieu inaugure un nouvel Exode, une nouvelle libération. La providence divine demeure attentive aux besoins des siens. Tandis qu’il avait refusé, lors de la tentation au désert, de multiplier les pains pour lui-même, il pourvoit, par une œuvre de puissance, aux besoins de la multitude. Voici le peuple de Dieu rassemblé de nouveau autour de la même table ; les hommes sont promus les commensaux de Dieu pour jouir de la satiété, de la surabondance, signes des temps messianiques.

Un progrès supplémentaire décisif sera accompli lors du discours sur le pain de vie, propre à Jean. Le vrai pain du ciel, ce n’est pas la manne, c’est Jésus lui-même et sa parole, vraie nourriture que l’homme est invité à recevoir dans la foi, qui plus est, c’est sa chair même livrée pour la vie du monde, son sang versé en boisson, aliment et boisson qui communiquent à l’homme la vie éternelle que le Fils tient du Père lui-même.