Romains 11, 1-12

La situation de l’Israël infidèle

Père Pierre Benoit

Exégèse et Théologie, tome 3, p. 415s

 

          Le refus insistant du Messie par la masse du peuple juif pose, à la conscience chrétienne de tous les temps, un problème grave. Dans ses épîtres, c’est Paul surtout, et presque seul, qui l’aborde. Il constate que, jusqu’à son temps, les enfants d’Israël ont la pensée obscurcie par un voile quand ils lisent l’Ancien Testament. Ils cherchent des signes et sont scandalisés par la croix du Christ, ils s’opposent même par la force à l’Evangile : eux qui ont mis à mort le Seigneur Jésus, ils veulent empêcher la prédication aux païens, et persécutent les chrétiens. Paul les juge responsables, non seulement d’avoir crucifié le Christ, encore qu’ils aient participé à l’ignorance des princes de ce monde, c’est-à-dire des puissances démoniaques qui les dirigeaient, mais surtout d’avoir refusé de croire au message qu’ils ont bel et bien entendu ; cela, parce que leur zèle mal éclairé a refusé la justice gratuite de la foi pour tenir à leur propre justice par la Loi.

          C’est cette situation de ses frères de race qui arrache au cœur de Paul le cri de douleur et d’espérance qui éclate dans les chapitres 9 à 11 de la lettre aux Romains. Cette méditation passionnée sur la chute de beaucoup en Israël se tourne successivement vers le passé et vers l’avenir : comment expliquer cette chute ? Et quel sera son lendemain ? Le plan divin ne saurait faillir, et il s’agit pour Paul de le justifier aux yeux de la foi par ses motifs et ses intentions, encore que leur sagesse soit insondable.

          La ferveur dont témoignent ces pages de Paul est plus grande que leur clarté. C’est son cœur qui parle. Pour respecter le genre littéraire de ces élans de tristesse et d’espérance, il convient d’y reconnaître l’obscurité et l’incertitude d’un mystère encore mal dévoilé, et de ne pas les durcir par une précision qu’elles ne comportent pas, enfin de ne pas les isoler de l’ensemble du message biblique, notamment de l’épître aux Ephésiens où elles trouvent un corollaire qui les équilibre.