Isaïe 58, 1-14

Le carême s’étend à toute cette vie

Saint Bernard

Troisième Sermon 3-4, SC 567, p. 149s

 

           Jeûnons, frères, jeûnons avec ferveur durant ce saint temps du Carême, mais en étant bien conscients que tout notre carême ne compte pas seulement quarante jours. Il nous faut en effet poursuivre le carême tous les jours de cette vie, tant qu’il nous est nécessaire d’accomplir les dix commandements de la Loi, avec le secours de la grâce qui s’est manifestée dans les quatre évangiles. Ils sont tout à fait dans l’erreur ceux qui croient que ces quelques jours suffisent à la pénitence, alors qu’il est évident que tout le temps de cette vie ne nous a été donné pour rien d’autre. Le prophète dit : Cherchez le Seigneur, non seulement pendant quarante jours, mais tant qu’on peut le trouver, invoquez-le tant qu’il est proche. Ce ne sera plus en effet alors le moment de l’invoquer, quand le Seigneur ne sera plus tout proche de personne, mais qu’aux uns il sera présent, tandis qu’il sera bien loin des autres. Mais dans l’entre-temps, le fait même de le dire tout proche montre bien qu’on ne le tient pas encore, mais que pourtant on peut facilement le tenir et le trouver. A ton avis, qui a été tout proche de l’homme tombé entre les mains des brigands ? Certainement celui qui a exercé envers lui la miséricorde. En conséquence, puisque durant tout ce temps de la miséricorde, le Seigneur est tout proche, cherchez-le, très chers, tant qu’on peut le trouver, invoquez-le tant qu’il est proche.

          Pourtant, durant l’actuel carême, il nous faut le chercher avec une ferveur plus grande. Car le carême n’est pas seulement une partie, mais aussi le sacrement du temps entier de cette vie. C’est pourquoi, si peut-être, durant les autres jours, votre générosité s’était relâchée, il convient de la ranimer maintenant dans la ferveur de l’Esprit. Si c’est le ventre seul qui a péché, que seul aussi il jeûne, et cela suffit. Mais si les autres membres aussi ont péché, pourquoi ne jeûneraient-ils pas eux aussi ? Que l’œil jeûne donc, lui qui a dépouillé l’âme, que jeûne l’oreille, que jeûne la langue, que jeûne la main, que jeûne aussi l’âme même, oui qu’elle jeûne de ses vices et de sa volonté. Car sans ce dernier jeûne, le Seigneur rejette tous les autres jeûnes, ainsi qu’il est écrit : Les jours où vous jeûnez, se manifestent vos volontés propres.