Deutéronome 12, 1-14

Le lieu de culte : l’autel

Dom Claude Jean-Nesmy

Pratique de la Liturgie, p. 177s

 

          Impossible d’assigner à notre culte un but autre que Dieu lui-même : si la procession aboutit à l’autel, c’est qu’il est le lieu et le roc de la rencontre de Dieu et des hommes, autrement dit le Christ qui est lui-même cette rencontre. Et comme d’être avec Dieu fait notre béatitude éternelle, c’est la présence de cette pierre dressée du sacrifice de notre alliance qui rayonne sur tout le sanctuaire et en fait, à nos yeux, un ciel.

            Car l’autel, aux yeux du chrétien, c’est le Christ. Cette formule peut surprendre par son côté abrupt. On peut cependant la risquer sans trop d’hésitation, d’autant plus qu’elle est de saint Cyrille, patriarche d’d’Alexandrie, connu pour son orthodoxie. Par la suite, on a repris à travers toute la Tradition, jusqu’à saint Bernard, cette définition. L’Eglise elle-même la reprenait naguère au cours de l’ordination des sous-diacres, comme les en prévenait l’évêque : « L’autel de la Sainte Eglise, c’est le Christ, au témoignage de saint Jean qui, dans l’Apocalypse, dit avoir vu un autel d’or dressé devant le trône, sur lequel et par lequel sont consacrées les offrandes des fidèles ». On y trouve donc bien la liaison avec la liturgie du ciel.

            C’est encore saint Jean Chrysostome qui nous aide à pénétrer le sens de cette définition en appliquant les étapes successives de l’identification du Christ et de son autel. « Le mystère de cet autel de pierre est étonnant. Par sa nature, il est de pierre uniquement, mais il devient sain et sacré du fait de la présence du Christ. Etonnant mystère, certes, puisque cet autel de pierre devient lui-même, en quelque sorte, corps du Christ ».

            Peut-on estimer cette prétention excessive ? Elle le serait à coup sûr si l’on prétendait que s’accomplit en l’autel une transformation du même type que celle qui fait le Corps du Seigneur. Bien entendu, il ne se produit aucun changement substantiel, et c’est pourquoi Jean Chrysostome ajoute « en quelque sorte ».

            Mais l’on ne saurait s’offenser que la Tradition voie en l’autel le Christ même, notre autel vivant, puisqu’elle peut s’autoriser de l’exemple de saint Paul, et donc, de s’en rapporter sur ce point à une révélation du Saint- Esprit. Parlant en effet des Hébreux durant l’Exode, l’apôtre mentionne la source jaillie du rocher à laquelle ils purent s’abreuver, et il conclut : Ce rocher, c’était le Christ. A combien plus forte raison pouvons-nous le dire de l’autel chrétien, où l’Eglise vient puiser le sang jailli du Cœur de Jésus.