Deutéronome 9, 7-21+25-29

« Priez sans cesse… »

Père Guy Lafon

« Déchirez votre cœur… », VS 108 (1963), p. 176s

 

          Aimons-nous vraiment prier ? Tout au plus regardons-nous la prière comme l’exercice d’un moment, une habitude que nous avons contractée. Nous la confondons facilement avec quelques paroles apprises que nous acceptons de répéter quelquefois, mais sans qu’elles nous engagent vraiment. Nous avons grand peine à admettre que la prière devienne le fond continu de toute notre vie. Pourtant, si elle n’est pas présente ainsi à tous nos moments, elle risque fort de n’être plus qu’un rite sans contenu, un geste vide, lorsqu’elle s’exprime visiblement dans nos paroles et nos attitudes. Aussi l’apôtre Paul n’a-t-il pas craint de nous déclarer que nous avions tort de cantonner ainsi la prière sur les pourtours de notre vie : Priez sans cesse, nous dit-il. En toute condition soyez dans l’action de grâce. C’est la volonté de Dieu sur vous…

          Mais pourquoi de refus de prier nous est-il si habituel ? Sans doute parce que  notre confiance en nous-mêmes est très grande. Nous savons ce que nous pouvons faire, nous connaissons nos forces, nous avons l’art de les appliquer comme il faut à toutes nos entreprises. Nous savons quelles choses nous pouvons espérer atteindre, quelles autres nous sont interdites. De bon ou de mauvais gré, nous avons tous accepté un jour de circonscrire le monde à l’intérieur duquel nos énergies pourront s’employer et réussir.

          Certes ces raisons ne sont pas toujours très clairement formulées. Mais ne les découvrons-nous pas comme la secrète justification de notre paresse à prier ? Elles sont graves, en tout cas, parce qu’elles viennent d’une erreur sur notre situation véritable en face de Dieu.

          Voulons-nous dire que la prière ne doit jamais devenir un subtil prétexte à fuir les devoirs de cette vie, à échapper aux rudes contraintes de notre tâche d’homme ? Nous avons alors tout à fait raison. La prière ne peut remplacer l’énergie toujours nécessaire à une action résolue. Jésus-Christ lui-même nous a mis en garde contre cette espèce de fraude : Pourquoi m’appelez-vous Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous pas de que je dis ? Non, la prière n’est pas faite pour consacrer le désœuvrement. Pour nous excuser de nous y dérober, nous l’accusons d’être comme un manque de courage, une faiblesse de cœur. Mais si nous y regardons de près, nous voyons qu’elle n’est pas déprimante.