Apocalypse 12, 1-18

La Femme et le Désert

Jacques Cazeaux

Les silences de l’Apocalypse, p. 123s

 

          La Femme aux douze étoiles, qui est l’Israël aux Douze Tribus, trouvera son lieu dans le Désert. On se souvient des sages-femmes d’Egypte auxquelles le Pharaon ordonnait de surveiller les deux pierres servant à l’accouchée et d’occire les mâles ; on sait comment Moïse sauvé de la mort avait fui au Désert, et tout Israël, échappant à l’Egyptien, avait trouvé refuge en ce même Désert. La Femme représente ici l’Israël tiré d’Egypte, mais en même temps reportée à la première Création puisqu’elle réunit le soleil, la lune et les étoiles de la première page de la Genèse.

          Pour décrire son refuge, il est dit que la femme aura son lieu au Désert. Ce qui sauve la femme, c’est de se trouver dans le Désert : il est son lieu, sa place, c’est-à-dire la vérité de son être. Si Israël est passé par le Désert, c’est que le Désert est effectivement son lieu. Plus loin, en effet, le contre-pied de ce lieu s’appellera la Ville, Sodome, Babel ou Babylone monstrueuse, le contraire du Désert.

          La Femme est nourrie, entretenue, élevée comme un nourrisson durant trois ans et demi dans le Désert, soit une moitié de perfection. Cette incomplétude ne signifie pas que ce Désert serait provisoire comme un passage que l’on pourrait oublier une fois parvenu au terme ; c’est plutôt que la Femme ne sera la Jérusalem définitive des chapitres de la fin de l’Apocalypse qu’au bénéfice du Désert avec les valeurs profondes et sans retour de ce Désert. La mention de la nourriture de la Femme, soit de la Manne, soit aussi bien et mieux encore la Loi, rend le symbole très clair. Les prophètes, à commencer par Osée, appelaient Israël au Désert, et Jean, l’Immergeur, ne fit que reprendre la tradition obsédante des prophètes et de la Torah en attirant Jérusalem aux rives du Jourdain, la porte du Désert, le lieu véritable, celui de la conversion de l’être même d’Israël. Le séjour de la Femme au Désert est donc d’une durée qui est la moitié d’un temps complet. Il n’est ni entier, tel le sept, ni aléatoire. Il est mesuré proportionné, utile. En tant qu’il couvre la moitié de sept, il devra rester dans la conscience d’Israël comme pour moitié. Aussi sur la foi d’Osée et des prophètes, la Babylone de l’Apocalypse, une prostituée, pourrait être un miroir pour un Israël qui oublierait le Désert, ne ferait que le traverser tel un mauvais rêve, dont il faudrait secouer les traces et jusqu’au pénible souvenir.