Apocalypse 13, 1-18

Les deux bêtes

Père Jean-Pierre Charlier

Comprendre l’Apocalypse, tome I, p. 286s

 

          Voici apparaître l’autre bête, montant de la terre d’Asie, donc de l’est d’Ephèse : elle vient fermer le verrou sur les paroisses johanniques. Son apparence est fallacieuse, comme l‘était celle des sauterelles au visage humain et à la belle chevelure féminine. Elle contrefait un agneau, mais parle comme un dragon. Elle est ainsi le faux prophète par excellence : c’est la même image que celle employée par saint Matthieu : Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous vêtus en brebis, mais qui, au-dedans, sont des loups rapaces (7,15). La bête terrestre n’a que deux cornes, mais comme elle ne fait qu’un avec la bête de la mer, elles veulent à deux totaliser toute la puissance possible (12 cornes), le monde étant dès alors soumis à leurs forces conjuguées et par là indomptables.

            La première bête avait reçu puissance du dragon ; cette puissance maintenant s’exerce par la seconde bête qui est, si l’on ose dire, la machiniste de la première. La première bête, issue de la mer, se caractérisait par son entière dépendance à l’égard du dragon : tout lui était donné. La seconde bête n’est rien non plus par elle-même : si le mot bête est utilisé dix fois ici, dans neuf cas c’est pour désigner la bête de la mer, et une fois seulement celle de la terre. Néanmoins, le verbe qui revient constamment à son propos est faire. Le monstre en effet est terriblement actif, non point à son profit, mais au service de l’Empire. C’est vers celui-ci qu’elle fait tourner et les gestes d’adoration et le culte intérieur.

            Il n’est pas facile de discerner précisément la personnalité exacte de cette seconde bête. Elle est à l’entière dévotion de la première, l’Empire, l’Etat, la machine politique, et elle exerce toute son activité à son profit. Sa parenté avec le Dragon se vérifie dans son langage ; la suite du livre en fait le type du faux prophète, lequel se caractérise par ses paroles mensongères et, à longs termes, inefficaces. En quelque sorte, la bête de la terre est la bouche de la bête de la mer. Il est dès lors normal de songer à la propagande de l’Empire, à l’énoncé idéologique défenseur des thèses du pouvoir, à la publicité qui enrôle les hommes sous des bannières imposées.

            La bête opère de grands signes, des prodiges, afin d’exciter moins d’interrogation que d’admiration. Il n’y a pas d’autre grand signe que celui de la Femme, et celui des sept anges aux sept coupes ; tous les autres signes dont il est question dans l’Apocalypse sont ceux des pseudo-prophètes.