Apocalypse 14, 1-13

L’Agneau et les cent quarante-quatre mille

Père Henri-Marie Féret

L’Apocalypse de saint Jean, Vision chrétienne de l’histoire, p. 242s

 

          Pour déterminer quelle est cette multitude qui accompagne l’Agneau, il faut préciser par le contexte quel est le sens général de la scène où elle apparaît. Ce qui a précédé évoquait la lutte terrestre, historique, du Dragon et de l’Eglise. Ce qui suivra annoncera à toute la terre qu’est enfin arrivée l’heure du jugement de Dieu. Aussitôt après, en effet, commencera le jugement de Babylone, le premier de la série historique qui conduira jusqu’au jugement dernier et à la fin des temps. La vision intermédiaire présente ceux qui vont présider d’une part à la défaite du Dragon et à la victoire de l’Eglise, d’autre part au déroulement historique des jugements divins, ces choses coïncidant d’ailleurs dans la réalité. Or, cette bien en cette fonction de Juge qu’apparaît déjà l’Agneau. La mention du Mont Sion ne permet pas d’en douter si l’on se rapporte au texte du prophète Joël (3,3) dont ce passage s’inspire, et qui est un texte eschatologique décrivant à l’avance le jugement des nations. L’Agneau qui apparaît ici est assurément le même que celui qui s’empara précédemment du Livre de l’histoire, mais tandis qu’alors on voulait enseigner sa maîtrise absolue sur les divers facteurs et le déroulement de cette histoire, on manifeste ici qu’il exerce cette maîtrise à la manière d’un juge qui prononce et exécute des sentences sans appel. Craignez Dieu et donnez-lui gloire, chantera aussitôt l’ange porteur de la Bonne Nouvelle éternelle, parce qu’est arrivée l’heure de son jugement.

          Or l’Agneau n’est pas seul sur le Mont Sion. Il a avec lui cent quarante-quatre mille assesseurs, ayant son nom et le nom de son Père inscrit sur leurs fronts. Qui sont ceux-ci et où cette scène se passe-t-elle ? Nul doute que cette montagne de Sion symbolique ne soit au ciel, non sur la terre, à cette précision importante que le Christ ressuscité conduit les affaires humaines du ciel mystérieux où il se cacha aux regards humains le jour de l’Ascension, de même qu’interviennent avec lui et comme lui, en ces mêmes affaires, la multitude des martyrs et des saints qui l’entourent sur le Mont Sion. Si le voyant dénombre ces derniers par le chiffre de cent quarante-quatre mille, c’est parce qu’ils sont les prémisses de la foule innombrable des élus. L’Eglise est bien ici-bas une Eglise militante, et les fidèles doivent pour elle mener le bon combat et porter témoignage, sachant que, par leur témoignage, c’est l’Eglise des saints qui d’âge en âge remporte les victoires de la vérité de Dieu.