Apocalypse 14, 4 – 15,4

La moisson et la vendange des confesseurs de la foi

Jacques Pintard

Esprit et Vie, n° 24, 15 juin 1972, p. 377s

 

          Dans bien des écrits du Nouveau Testament, la croix du Christ n’est que le prélude de sa gloire royale : Ne fallait-il pas que le Christ endurât ses souffrances pour entrer dans la gloire, dans le quatrième évangile le Christ règne par sa croix. L’Apocalypse étend le même principe aux chrétiens ; l’épreuve n’est pas pour eux la voie à suivre pour régner un jour avec le Christ : épreuve et royauté sont l’endroit et l’envers d’une même vocation, car ceux qui souffrent avec le Christ règnent aussi avec lui : ils règnent au sein même de l’épreuve.

          Ainsi le sang du Christ comme celui des martyrs est-il, non seulement symbole de leur épreuve, mais aussi de leur victoire. Dès le début du livre, l’auteur se présente en associant épreuve et royauté : Moi, Jean, votre frère et votre compagnon, dans l’épreuve, la royauté et la patience en Jésus.

          Le Christ nous a aimés jusqu’à la fin. L’Apocalypse souligne l’importance de la fidélité jusqu’à la mort, à l’exemple du Christ, témoin fidèle. Jean écrit pour donner aux chrétiens le courage nécessaire pour tenir même en cas de persécution. Il loue la patience, la vigilance. Le vainqueur est celui qui persévère jusqu’à la fin en faisant la volonté du Christ ; c’est celui qui est passé par la grande épreuve, a lavé sa robe, et l’a blanchie dans le sang de l’Agneau.

          Tout cela s’harmonise très bien avec une vendange. On doit ajouter aussi que dans les trois premiers chapitres se trouvent des recommandations qui ne sont pas une invitation directe à l’épreuve du martyr. A côté de la vendange, il y a la moisson. Jean suscite une multitude de confesseurs de la foi.

          Telle qu’elle apparaît dans l’Ancien Testament, la vision apocalyptique de l’histoire, comparée à celle des écrits de sagesse, apporte quelque chose de nouveau : une échappée sur la fin de l’histoire, sur un jugement universel, et une rédemption. L’Apocalypse du Nouveau Testament prolonge cette tradition et lui apporte le sens chrétien : c’est un livre qui fortifie l’espérance de ceux qui s’en nourrissent. Il achève la révélation et engage à la fidélité jusqu’au bout. Il faudrait pouvoir redire de lui ce que nous y lisons dans un langage voilé et concret : Je pris le petit livre de la main de l’ange et je l’avalai : dans ma bouche, il avait la douceur du miel.