Jean 21, 1-14

le trouble du monde et le retour à la paix

Saint Pierre Chrysoslogue

Le Mystère de Pâques, Ichtus, Sermon 78, p. 267s

 

          Après la Passion du Seigneur dont le tumulte a surpris la terre, effrayé le ciel, étonné les siècles et désolé l’enfer, le Seigneur vient au bord de la mer : il aperçoit ses disciples errant en pleine nuit sur les flots obscurs. Le soleil a fui : ni la lueur de la lune, ni les étoiles ne sauraient calmer l’angoisse de cette nuit. Fondue dans l’ombre, la terre rend aveugle les yeux et les esprits, et il n’est plus possible de gagner les rivages de la foi, ni le port de la vie, même de venir secourir les hommes en mer.

          Comme le jour venait, dit l’évangile, Jésus parut sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était Jésus. Toute la création a fui l’outrage infligé à son créateur ; le monde, à l’envi, se soustrait au meurtre du Seigneur, sachant que la vengeance frappera la demeure entière où, sous la main criminelle des serviteurs, le maître est tombé. Alors la terre voit ses fondements se dérober sous elle, et tremble ; le soleil disparaît pour ne pas voir, le jour se retire pour ne point être là, les pierres, en dépit de leur dureté, se fendent, et, à défaut de voix, leur fracas dénonce l’horrible forfait. L’enfer voit pénétrer en son sein le Juge lui-même ; vaincu, il lâche ses captifs dans un cri de douleur.

          Alors, rendues à leurs corps, les âmes annoncent aux vivants la résurrection de ces morts que le monde croyait à jamais disparus. Le monde entier était jeté dans la confusion et ne doutait pas que la mort du Créateur ne l’eût replongé dans les ténèbres primordiales et dans l’antique chaos. Mais soudain, dans la lumière de sa résurrection, le Seigneur ramène le jour et rend au monde son visage familier. Il vient ressusciter avec lui et dans sa gloire tous les êtres qu’il a vus si tristement abattus.

          Comme le jour venait : l‘évangéliste exprime là la fin de la ténébreuse agonie du Seigneur ; Jésus parait sur le rivage : il vient rétablir le monde dans ses anciennes limites, dissiper le doute, apaiser la tempête, calmer le désordre, raffermir en sa propre immobilité les fondements de la terre qui avaient été si brusquement ébranlés. Et il vient rendre au monde toute sa ferveur envers son maître.