Apocalypse 10, 1-11

Le petit livre

Jacques Ellul

L’Apocalypse, Architecture en mouvement, p. 96s

 

          L’ange qui tient le livre apparaît. Il ne s’agit pas du grand livre de l’Histoire, scellé de sept sceaux, mais d’un petit livre qui est ouvert. Il est donc lisible directement et par tous. Son message est de caractère inverse de celui des sept tonnerres ; ceux-ci proclament de façon grandiose un mystère qui ne peut être transmis, connu. Le voyant ne doit pas l’écrire, mais ayant entendu, il doit garder le secret. Cela désigne le mystère même de la Parole de Dieu, mystère qui ne peut être dévoilé, et dont d’ailleurs il n’y a aucune utilité qu’il soit connu par les hommes. Car il ne faut pas oublier que la Parole révélée ne l’est que dans la mesure où cela est utile pour l’homme. Cette distinction entre la voix des tonnerres et celle du petit livre ouvert nous rappelle que Tout Dieu n’est pas révélé dans l’Evangile.

          Le petit livre ouvert est très clairement cet Evangile. Il n’y a plus de délai. Maintenant s’accomplit le grand dessein de Dieu : l’Incarnation, qui est cet accomplissement, se réalise. Nous sommes effectivement en présence de l’Evangile. Mais le Livre, que le témoin doit faire sien, s’approprier, s’identifier à lui-même, comme s’il le mangeait, est doux à la bouche et amer dans les entrailles. Il y a d’innombrables explications de ce double caractère ; toutes d’ailleurs sans hésiter se rapportent à la Parole de Dieu : douceur de recevoir la Parole, amertume de porter le ministère prophétique, douceur de l’annonce du salut, amertume de l’annonce du jugement, douceur de l’annonce de l’élection, amertume de l’annonce de la persécution. Je croirais plutôt : douceur de recevoir le témoignage, dans cet Evangile de l’immensité de l’amour de Dieu, et amertume de la difficulté de mener la vie dans laquelle le petit livre nous engage. Car, aussitôt, en effet, le témoin doit prophétiser. Ceci étant pris au sens de prophétie dans le Nouveau Testament, c’est-à-dire annonce et proclamation de Jésus-Christ, désignation de qui est le Christ et de son mystère. De plus, ce petit livre est l’introduction exacte à ce qui suit. En effet, aussitôt après, l’on nous raconte l’épisode des deux témoins, mais si l’on accepte qu’il s’agit de Jésus-Christ, ce récit est le contenu même, doux à la bouche, amer aux entrailles, du Livre en question.