Apocalypse 17, 1-18

La fin de « Babylone »

Père Yves-Marie Blanchard

Le Livre de l’Apocalypse, CE 170, p. 41s

 

          Annoncée comme une cité, Babylone entre en scène sous les traits d’une femme, en l’occurrence une prostituée, fameuse par l’ampleur de ses dérèglements impliquant aussi bien les rois que les habitants de la terre. Introduite par l’ange aux sept coupes, la femme est censée résider auprès des grandes eaux comme il convient à Babylone. Et pourtant, c’est au désert que le prophète se trouve transporté en esprit, afin de pouvoir observer tout à loisir ce personnage haut en couleur. Sans doute faut-il ce détour par le lieu traditionnel de l’épreuve, au sens positif du terme, pour être en état de discerner, au-delà du clinquant des ornements de la femme, sa véritable nature : à la fois idolâtre, mère des prostituées et des abominations de la terre, et coupable de s’acharner contre les chrétiens, ivre du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus.

          Quoi qu’il en soit de la situation réelle des chrétiens au temps de Domitien, l’Apocalypse dénonce le caractère foncièrement païen de l’Empire et l’accuse de fomenter une sanglante répression à l’encontre des fidèles du Christ. Il convient donc de ne pas se laisser impressionner ou séduire par le luxe insolent de la grande Prostituée, d’ailleurs clairement identifiée à Babylone. Outre le mauvais goût de sa parure surchargée, le fait qu’elle chevauche une bête écarlate est de bien mauvais augure : tout porte à croire qu’une pareille créature ne peut engendrer que violence et sauvagerie. Le contraste est frappant avec la première femme apparue dans le Livre : la figure céleste et lumineuse de la Mère du Messie, affrontée à la haine du dragon, et miraculeusement sauvée par une intervention divine. Un ange promet d’éclairer le mystère que constitue cette étrange apparition.

          Le dernier élément de l’allégorie consiste dans les eaux, caractéristiques du paysage babylonien, là où réside la prostituée ;  cette Grande Prostituée est identifiée à la superpuissance du moment, Rome en l’occurrence, la grande cité qui règne sur les rois de la terre.