1 Jean 2, 12-17

« Aimer l’humanité »

Un moine de l’Eglise d’Occident

L’amour vainqueur de la mort, commentaire des lettres de Jean, p. 90s

 

          Jean demande aux chrétiens d’aimer l’humanité dont ils font partie ; c’est ainsi qu’ils prennent part à l’amour qui, de Dieu, descend sur elle par Jésus-Christ, mais, en même temps, ils ont en horreur l’esprit du monde qui tente tout être humain, car celui qui aime l’esprit du monde ne peut avoir en lui la moindre place pour aimer Dieu. C’est ce dont témoigne aussi de façon lapidaire la Lettre de Jacques : Qui veut être ami devient ennemi de Dieu. Etre dans le monde sans être du monde, nous dit Jean, c’est vivre en plénitude son existence sur terre sans être du monde, ce que l’on peut lire dans la Lettre à Diognète : tout le paradoxe de la condition des chrétiens sur la terre est contenu dans ce très subtil équilibre. Aucun contemptus mundi, et la lecture attentive de la vie humaine de Jésus que nous content les évangiles devrait être un témoignage  en ce sens sans la moindre équivoque, mais encore aucun confusion entre la terre et le Règne, mais la responsabilité d’entrevoir déjà dans les réalités qui précèdent la fin de l’appel à l’eschaton, « Le ciel nouveau et la terre nouvelle » rendus à l’homme dans leur entière intégrité : « On ne peut pas et on n’a pas le droit de prononcer la dernière parole avant l’avant-dernière. Nous vivons dans l’avant-dernière et nous croyons la dernière », écrit Dietrich Bonhoeffer.

            En d’autres termes, les chrétiens ne doivent pas abandonner le monde où Dieu les a placés, mais ils ont à le considérer dans sa vérité, assurés que leur vraie citoyenneté, leur style de vie, est dans les cieux, et ils n’ont en partage aucune autre que le Royaume de Dieu ! Pour le dire avec l’apôtre Pierre, la vie chrétienne est un pèlerinage, littéralement « une résidence en terre étrangère » ; le chrétien vit en compagnie des hommes, mais en rupture avec l’esprit du monde ; il ne se plie par à l’idéologie dominante, ni ne se soumet aux puissances de ce monde, car il sait que le temps de son pèlerinage est un exode, un passage de ce monde au Père. Si, tout en restant fidèles à la terre et même le temps que dure cette fidélité, les chrétiens sont appelés à rechercher les choses d’en-haut, et comme ils savent que le temps désormais se fait court, il leur faut être capables d’établir une distance entre eux et les choses de la terre. Les chrétiens ont donc à prendre position par rapport au monde ; ils ne doivent ni l’aimer, ni l’idolâtrer : leur amour ne peut qu’être orienté vers Dieu et les hommes. Si le chrétien, en effet, aime l’esprit du monde, impossible de trouver en lui l’amour qui vient de Dieu, car cet amour-là ne peut s’exprimer qu’en amour des frères et non des idoles !