Jean 19, 31-37
La Passion de l’Amour
Père Jacques Guillet
Jésus-Christ, l’homme véritable, Christus 11, 1964, p. 388s
Dans la tendresse du Christ pour notre vie la plus humble, dans sa sensibilité toujours prête à compatir, à partager notre souffrance, il y a bien autre chose qu’une humanité exceptionnelle, préparée par des siècles de souffrance, de foi et de compassion : il y a le Mystère du Dieu Rédempteur, la passion du Créateur pour l’homme, son enfant. Origène parle de la passion de l’amour : Le Sauveur, dit–il, est descendu sur terre par pitié pour le genre humain. Il a subi nos passions afin de souffrir la Croix, avant même qu’il eût daigné prendre notre chair. Car s’Il ne les avait pas d’abord subies, il ne serait pas venu participer à notre vie humaine. Quand est cette passion qu’Il a d’abord subie pour nous ? C’est la passion de l’amour.
Cette passion est bien autre chose qu’une simple compassion pour le malheur de l’homme ; elle est une volonté passionnée de sa réussite. Tout échec de l’homme est pour elle un échec personnel, une blessure intolérable. A la source de la sensibilité humaine de Jésus, du mouvement qui Le projette comme d’instinct à la rencontre de tout ce qui souffre et Le lance à la recherche de tout ce qui se perd, il y a la passion jalouse de Dieu.
Sa passion pour son œuvre, son anxiété pour les périls qu’elle court, son émotion tremblante à retrouver, après tant d’angoisses, le fils méconnaissable, mais vivant.
C’est la sensibilité humaine de Jésus qui a inventé les paraboles de la brebis perdue et de l’enfant prodigue ; mais elle ne les a inventées qu’en fixant le Père, car le Fils ne peut rien faire de lui-même, rien qu’il ne voie faire au Père : ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait.
En Jésus-Christ, et en tous ceux qui vivent de son Esprit, l’humanité donne au Père sa joie divine, elle comble son attente : toute la création réussit. Cette réussite est parfaitement simultanée : la réussite de Dieu est, en même temps, la réussite intégrale de l’homme. la joie de Jésus Christ, la joie de cet homme accueilli par son Père à son dernier soupir, la joie de tous ceux qui meurent dans le Seigneur, est la joie même de Dieu devenue la joie de notre humanité, la joie pour laquelle nous sommes faits, la joie de notre cœur et de notre chair.