Josué 3,1-17 + 4,14-19 + 5,10-12

Le Jourdain, première étape et frontière de la conquête

Stéphane Encel

Josué, premier conquérant de la Terre sainte, p. 89s

 

          Forts de la conviction que le fruit est mûr, le peuple et son armée peuvent se mettre en branle. Mais la prise de la ville est encore loin. Bien davantage que tous les autres épisodes bibliques, la conquête est parfaitement ritualisée, à l’instar de la sortie d’Egypte. Et la frontière naturelle et symbolique du Jourdain n’était pas encore franchie. Plus encore que Dieu, le héros de ce long épisode est l’arche, le coffre qui contient la Loi. Ce coffre atteste la présence physique de Dieu au milieu de son peuple : nomade lorsqu’il erre dans le désert, sédentaire dans le Temple de Jérusalem lors de la centralisation politique. Mentionnée de nombreuses fois, l’arche acquiert une importance primordiale, et par conséquent les prêtres qui y sont affectés. Neuf fois, ils portent l’arche ; quatre fois l’ordre est donné au peuple quant à la manière d’avancer. D’où la distance de sécurité à maintenir pour le peuple, sous peine de mort ; c’est là une conception primitive de la présence d’un Dieu terrifiant et puissant que l’on ne peut approcher, comme ce fut le cas lors de la révélation face au Buisson ardent où Moïse dut enlever ses sandales, ainsi qu’au pied du mont Sinaï où le peuple dut également garder une distance de sécurité et de respect. La sainteté de l’arche, marque de la présence de Dieu, ne doit pas être entachée des souillures du peuple, et celui-ci est invité à se sanctifier, à devenir saint, car demain Dieu accomplira au milieu de vous des merveilles.

Pourquoi se tenir comme en prière dans le fleuve ? C’est là que le miracle va avoir lieu : un suspense berce le texte, comme une montée en puissance à mesure que l’arche, les prêtres-porteurs, et le peuple se mettent en branle. Car l’arche va traverser le Jourdain devant le peuple et à sa tête, et cela prouvera qu’il saura chasser nos ennemis. Chasser et non exterminer, ce qui, symboliquement, revient au même : le pays sera libéré de ses habitants fauteurs. Cette frontière naturelle et symbolique semble importante, jusqu’à être le pendant de la mer des Joncs traversée à sec par les Hébreux. Une fois traversé, le fleuve reste un obstacle quelconque retraite militaire, et si, à partir de Josué le Jourdain n’apparaît plus qu’épisodiquement dans l’histoire du peuple d’Israël, le fleuve est l’axe central de la carte de Madaba, autant document de géographie historique du VIème siècle que représentation de la géographie biblique.