1 Samuel 3, 1-21

Le jeune Samuel servait le Seigneur en présence d’Eli

Saint Grégoire le Grand

Commentaire du premier livre des Rois (1 Samuel), Livre II, n° 112-114

 

          Dans la lecture que nous venons d’entendre, Samuel est montré servant le Seigneur en présence d’Eli, au moment même où celui-ci est repris par Dieu pour sa négligence à l’égard de ses fils.

            Il peut arriver que de simples fidèles, pleins de considération pour leur propre force morale, préfèrent être les juges sévères de leurs pasteurs plutôt que leurs ouailles dociles. Ayant pris l’habitude de fouiller et de passer au crible la conduite de leurs supérieurs, s’ils aperçoivent dans leur comportement la moindre trace de faute, ils refusent de se soumettre par l’obéissance à leur commandement. En réalité, ils se montreraient vraiment forts s’ils supportaient humblement ce qu’ils estiment faiblesse chez leurs pasteurs. Car, aux yeux de Dieu, est reconnu grand par son mérite, celui qui, lorsqu’il s’agit d’un ordre juste, se soumet à un homme incapable par ailleurs, à son avis, d’inspirer la vénération. Voici, par exemple, Eli, ouvertement blâmé par le jugement de Dieu pour son péché caractérisé de négligence ; et pourtant l’Ecriture nous montre Samuel, l’enfant du Seigneur, servant Dieu en présence du prêtre.

            Qu’il examine donc en lui-même ce qu’il vaut, celui qui méprise son supérieur pour une faute légère, alors que Samuel s’est soumis en obéissant humblement au prêtre que Dieu tout-puissant avait condamné avec la plus extrême sévérité ! L’inférieur ne doit pas mépriser son supérieur quand il le tient pour pécheur, tout en se reconnaissant lui-même juste, car le Juge éternel a confié aux chefs de la sainte Eglise le soin de juger les simples fidèles, tandis qu’il a réservé pour son propre jugement l’examen de ces pasteurs.

            Ce Juge, qui est partout présent, peut d’ailleurs leur infliger déjà, sans attendre, un châtiment en leur retirant la lumière de la contemplation. C’est ce que l’Ecriture nous dit encore à propos de ce même Eli, qui va mourir un peu plus tard, la nuque brisée : en ces jours-là, il n’y avait pas de vision manifeste. En effet, lorsque le pasteur dédaigne d’accomplir son devoir, que pourtant il connaît bien, une sentence rigoureuse le rend incapable de voir ce qu’il devrait faire, puisqu’il n’a pas voulu faire ce qu’il voyait. Une vision manifeste est le propre d’un pasteur aimant, et non d’un pasteur négligent. La Vérité même l’affirme en personne : Celui qui m’aime sera aimé de mon Père : moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. La splendeur d’une vision manifeste est donc la révélation de la Vérité aimée. Et cette Vérité qui se manifeste à l’amour qui le mérite, se cache à juste titre à ceux qui sont tièdes à faire le bien, car l’amour se reconnaît non aux sentiments éprouvés, mais à l’ardeur à bien agir.