Jacques 4,13 – 5,11

« Frères, prenez patience»

Saint Augustin

Sur la patience, OC 22, p. 170s

 

          La vertu de l’âme, qu’on appelle la patience, est un si grand bienfait de Dieu, qu’on loue, dans celui même qui nous donne cette vertu, la patience avec laquelle il attend que les pécheurs reviennent au bien. Ainsi, quoique Dieu ne puisse souffrir, et que le mot patience tire son nom du latin patere, qui veut dire souffrir, non seulement nous croyons avec foi, mais encore nous confessons, à notre avantage, que Dieu est patient. Et pourtant qui pourrait expliquer par des paroles ce que c’est que la patience de Dieu, quelle en est la grandeur dans ce Dieu incapable de souffrance, qui, cependant, supporte et souffre tant de choses, que nous l’appelons le Dieu souverainement patient ? Cette patience de Dieu est aussi ineffable que sa jalousie, sa colère, et les autres affections de cette sorte, qui n’existent pas en lui, si nous y attachons le même sens qu’à celles que nous éprouvons nous-mêmes, car en nous elles sont toujours accompagnées de souffrances. Or, loin de notre esprit la pensée de croire que Dieu soit sujet à aucune douleur, puisqu’il est essentiellement impassible. Comme sa jalousie est sans envie, sa colère sans trouble, sa pitié sans douleur, son repentir sans reproche d’aucune faute, de même sa patience est sans affliction et sans souffrance.

          La patience de l’homme, cette patience qui mérite le nom de vertu, est celle qui nous fait supporter les maux avec tranquillité et nous empêche de nous écarter, par notre impatience, des biens qui nous conduisent à de plus grands encore. Ceux, au contraire, qui n’ont pas la patience de souffrir les maux, bien loin de s’en délivrer, ne font que s’en préparer de plus graves. Les patients, au contraire, qui aiment mieux supporter les maux, sans en commettre, que d’en commettre en ne les supportant pas, allègent le poids de ceux qu’ils souffrent avec patience, et en évitent de plus terribles où les entraînerait l’impatience. En soutenant avec courage ses maux temporels et de courte durée, ils ne courent pas ainsi le risque de perdre les biens ineffables de l’éternité : Car, comme le dit saint Paul, que sont les souffrances de cette vie comparées à la gloire future qui sera révélée en nous ? Ailleurs, il ajoute : Ces afflictions légères et passagères produiront pour nous le poids éternel d’une gloire sans borne et sans mesure.