2 Samuel 15,7-14+24-30 + 16,5-13

Fuite d’Absalom devant David son père, fuite de Judas loin du Christ

Saint Augustin

Discours sur le psaume 3, OC 11, p. 616s

 

          Ce psaume doit être compris de la personne de Jésus-Christ, comme le prouvent ces paroles : Je me suis endormi, et j’ai cherché le sommeil ; et je me suis relevé parce que le Seigneur sera mon aide. Ces paroles s’appliquent, en effet, plus convenablement à la passion et à la résurrection du Seigneur qu’à l’histoire de la fuite de David devant son fils révolté contre lui. Et comme il est écrit des disciples du Christ : Tant que l’époux est avec eux, les fils de l’époux ne jeûnent pas. Il ne faut pas s’étonner si le fils impie de David signifie le disciple impie qui trahit Jésus. Bien qu’on puisse admettre que Jésus a fui devant Judas, quand, après le départ de ses disciples, il s’est retiré avec les autres sur la montagne, cependant, au sens spirituel, lorsque le Fils de Dieu, c’est-à-dire la vertu et la sagesse de Dieu, abandonna l’âme de Judas et que le démon s’en empara entièrement selon cette parole : Et le diable entra dans son cœur, on peut dire légitimement que le Christ a fui devant Judas ; non que le Christ ait cédé au démon, mais parce que, Jésus s’étant retiré, le démon fut pleinement possesseur de Judas. Je pense que, dans le psaume, cette retraite est nommée une fuite pour en exprimer la rapidité, ce qu’indique également la parole du Seigneur : Ce que tu as à faire, fais-le vite. Dans le langage ordinaire nous disons : Cela me fuit, d’une chose qui ne nous vient point à l’esprit ; et nous disons d’un homme très savant : Rien ne le fuit. D’après  cette manière de parler, la vérité a fui l’esprit de Judas, quand elle a cessé de l’éclairer. D’autre part, Absalom selon l’interprétation de certains veut dire en langue latine : Patris pax, la paix du Père.Il peut sembler étonnant, soit dans l’histoire des Rois où l’on voit Absalom faire la guerre à son père David, soit dans l’histoire du Nouveau Testament où l’on voit Judas trahir le Seigneur, que ce nom puisse signifier la paix du Père ! Mais pour peu qu’on lise avec soin le livre des Rois, on trouve que dans cette guerre David resta pacifique à l’égard de son fils, et qu’il le pleura amèrement après sa mort, s’écriant dans sa douleur : Absalom, mon fils, qui me donnera d’être mort au lieu de toi ? Et dans l’histoire du Nouveau Testament, on voit aussi l’immense et admirable patience du Seigneur qui a si longtemps supporté Judas comme un bon disciple, bien qu’il n’ignorât rien de ses pensées et acceptant le baiser du traître au moment même de sa trahison ; le Seigneur prouva ainsi qu’il lui présentait le paix, bien que le malheureux fût en proie à la guerre intérieure de son horrible forfait. C’est ainsi qu’Absalom est nommé la paix du Père, parce que son père eut envers lui des sentiments de paix que lui-même n’eut point envers son père.