Jean 3, 13-17

Triomphe de la Croix

Romanos le Mélode

Hymnes, SC 128, Hymne 38, p. 287s

 

          Dans le ciel et sur la terre, tout se réjouit avec Adam : à bon droit, car il a été rappelé dans le Paradis.

           Pilate planta trois croix sur le Golgotha : deux pour les brigands, une pour le dispensateur de la vie. L’Enfer la vit et dit à ceux d’en bas : « Ô mes ministres et mes puissances, quel est celui qui a planté un clou dans mon cœur ? Une lance de bois m’a transpercé soudain, et je me déchire. Mes entrailles souffrent, mon ventre me fait mal. Oh ! Mes sens ! Mon souffle est haletant, et me voilà contraint de vomir Adam et les fils d’Adam, qui, par le bois, m’avaient été donnés : le bois les ramène en Paradis ».

      En écoutant ces paroles, le Serpent rusé accourt en rampant et s’écrie : « Qu’est-ce que tu as, l’Enfer ? Pourquoi ces vaines plaintes ? Pourquoi ces discours ? Ce bois qui t’a épouvanté, c’est pour le fils de Marie que je l’ai façonné là-haut. Je l’ai moi-même indiqué aux Juifs pour notre profit à nous : c’est une croix sur laquelle ils ont cloué le Christ, car je veux par le bois détruire le second Adam. Qu’elle ne t’inquiète donc pas, elle ne te dépouillera point. Continue de garder tes prisonniers, car de ceux dont nous sommes les maîtres, pas un seul n’échappera pour retourner en Paradis ».

       « Allons, Bélial, reprends tes esprits, s’écrie l’Enfer. Accours, débouche-toi les yeux et vois la racine du bois qui a pénétré mon âme. Elle s’est enfoncé jusqu’au fond de moi-même pour en arracher Adam comme un morceau de fer. Jadis Elisée en préfigura l’image quand il retira la hache du fleuve : en attirant le lourd à l’aide du léger, le prophète te signifia d’avance et t’enseigna que, par le bois, Adam doit être ramené de sa misère au Paradis ».

          « Assez, misérable Enfer ! Laisse-là tes lâches propos, car ces discours que tu tiens trahissent tes pensées : tu as pris peur de la croix et du crucifié. Mais moi, ni l’un, ni l’autre, ne m’ont ébranlé, car c’est là le résultat de mes plans. Et, nouvel effet de mon vouloir, j’ouvrirai une tombe et j’y enterrerai le Christ, pour qu’ainsi tu es double crainte, de sa tombe comme de sa croix. Moi, en te voyant, je me moquerai de toi : une fois le Christ enseveli, je viendrai te dire : Ton Adam, je vais le ramener au Paradis.