Osée 11, 1-9

Le martyre de Marie

Saint Bernard

Sermon pour le dimanche après l’Assomption, n° 14-15, OC IV, p. 62s

 

            Le martyre de la Vierge Marie nous est relaté aussi bien dans la prophétie de Syméon que dans l’histoire de la Passion de notre Seigneur.

             Celui-ci, disait le saint vieillard en parlant de l’enfant Jésus, est là pour la chute et le relèvement de beaucoup, et pour être un signe contesté, et il ajoute s’adressant à la Mère de l’enfant : toi-même, un glaive te transpercera l’âme. Oui, bienheureuse mère, un glaive te transpercera l’âme : il n’aurait pu atteindre le corps de ton Fils sans te traverser. Lorsque Jésus eut rendu son dernier soupir sur la croix, la lance cruelle n’atteignit pas son âme, elle lui ouvrit le côté, mais elle te transperça l’âme. C’est que l’âme de ton Fils n’était déjà plus dans son corps, tandis que la tienne ne pouvait s’en détacher. La violence de ta douleur fut si vive que vous pouvons, à bon droit, te proclamer martyre ; qui plus est, le sentiment très vif de la compassion a surpassé en toi le sentiment de la douleur corporelle.

             Pour toi, ne fut-elle pas plus qu’un glaive cette parole qui, transperçant ton âme, atteignit jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit : Femme, voici ton fils ? Quel échange ! Jean t’est donné à la place de ton Fils Jésus, le serviteur au lieu du Seigneur, le disciple au lieu du Maître, le fils de Zébédée pour le Fils de Dieu, un homme à la place du vrai Dieu ! Comment cette parole, à l’entendre, n’aurait-elle pas transpercé ton âme, alors que nos cœurs de pierre et de fer se déchirent en les entendant rapporter ? Ne crois-tu pas que l’on puisse dire que Marie a été martyr dans son âme ?

            Es-tu plus surpris de la compassion de Marie que des souffrances et de la passion de son Fils ? Jésus est mort dans son corps, Marie n’a-t-elle pas pu mourir dans son cœur ? Jésus est mort par amour, un amour tel que personne n’en eut de plus grand ; la mort de Marie en son cœur fut le fruit d’un amour tel qu’il n’y en aura plus jamais de semblable. Ô Toi, Mère de miséricorde, pleine de grâces, couverte de la rosée céleste, veuille nourrir les pauvres que nous sommes, toi la jeune fille élue dès l’origine et destinée au Fils du Très-Haut, le Dieu béni dans les siècles.