Luc 10, 1-9

Il les envoya devant lui dans les villes et les localités où il devait venir

Saint Grégoire le Grand

Homélies sur l’évangile, Livre I, SC 485, p. 365s

 

Le Seigneur, notre Rédempteur et Sauveur, nous exhorte tantôt par des paroles, tantôt par des actes. Ces actes sont même des préceptes : ce qu’il fait sans paroles nous fait connaître ce que nous devons faire. Voici qu’il envoie ses disciples deux par deux pour prêcher : c’est que le précepte de la charité est double, l’amour de Dieu et celui du prochain, et qu’il ne peut y avoir de charité qu’entre deux être au moins. Car on ne dit proprement de personne qu’il a charité pour lui-même ; par l’amour, il tend vers un autre, en sorte qu’il peut y avoir charité.

Il est dit avec justesse qu’il les a envoyé devant lui dans les villes et les localités où il devait venir. Le Seigneur suit en effet ses prédicateurs : la prédication précède, et le Seigneur vient dans la demeure de notre âme quand les paroles qui exhortent précèdent, et que, par elles, la Vérité est accueillie dans l’âme. C’est pourquoi Isaïe dit à ses prédicateurs : Préparez la route du Seigneur, rendez droit les sentiers de notre Dieu. C’est pourquoi le psalmiste leur dit : Frayez la route à celui qui monte au-dessus du couchant. Le Seigneur monte au-dessus du couchant, parce qu’en se couchant dans sa passion, il a manifesté une plus grande gloire en ressuscitant. Il est monté, en effet, au-dessus du couchant lui qui, en ressuscitant, a foulé aux pieds la mort qu’il a endurée. Nous frayons donc la route à celui qui est monté au-dessus du couchant quand nous prêchons sa gloire à vos âmes, afin que, venant ensuite, il les illumine par la présence de son amour.

Ecoutons ce qu’il dit aux prédicateurs : déjà la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux, ce que nous ne pouvons dire sans une grande tristesse, car s’il y a des gens pour entendre la bonne parole, il en est peu qui la disent. Le monde est plein de prêtres, et cependant, dans la moisson de Dieu, on trouve rarement un ouvrier : nous assumons bien la fonction sacerdotale, mais nous n’exécutons pas, ou mal, le travail de la fonction. Alors, pesez, mes frères, pesez cette parole : Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. Demandez pour nous que nous ayons la force d’œuvrer de façon digne de vous, que notre langue ne soit pas gourde pour exhorter, qu’après avoir assumé la charge de la prédication nous ne soyons pas livrés au juste juge pour notre silence.