Jérémie 2,1-13+20-25

Le réquisitoire de Dieu

Père Jean Steinmann

Le prophète Jérémie, sa vie, son œuvre et son temps, p. 41s

 

Ecoutez la parole de Dieu, maison de Jacob et vous tous les clans de la maison d’Israël. Par cette introduction à ce réquisitoire de Dieu, ce nouveau poème s’adresse, non à Jérusalem, mais aux douze tribus d’Israël. Jérémie se tourne volontiers vers le Nord et s’adresse à l’ensemble du vieil Israël. Il n’oublie pas sa qualité de Benjaminite. Il s’en prend aussi bien aux abus du VIII° siècle en Samarie, abus qui ont fait réagir Osée, qu’à ceux du règne de Manassé à Jérusalem.

Les arguments du plaidoyer se pressent suivant une logique rigoureuse. Dieu commence par interroger les gens de son peuple : Vous ai-je fait tort ?, leur demande-t-il. La description contrastée du désert et de Canaan met en évidence l’ingratitude des apostats. Puis le prophète prend à partie tous les religieux : prêtres, légistes, prophètes. Les bergers y appartiennent à titre éminent puisqu’il s’agit là d’un orientalisme classique pour désigner les rois. Il est probable que les prophètes-fonctionnaires du Temple, visés par Jérémie, ne prophétisaient pas au nom de Baal, mais au nom de Dieu ; seulement ils transformaient celui-ci en un baal, en un dieu de naturisme sémitique. Ils s’aliénaient et reniaient sa nature transcendante.

Jérémie invite alors le peuple à faire entreprendre une enquête à l’étranger. Même à Chypre, l’île de Kittim, jamais une nation n’a renié ses dieux. Et le monothéisme rigoureux du prophète éclate en une incise : Ce ne sont même pas des dieux ! Il se manifeste également dans les termes chers à Jérémie pour caractériser les dieux païens : des impuissants ! Un vers stigmatise la folie monstrueuse du peuple. Dieu y est désigné comme La Gloire. On sait quelle place tenait cette sorte d’hypostase divine dans la vocation d’Isaïe !

La conclusion du plaidoyer, comme il se doit, en ramasse tous les arguments. L’invitation aux cieux, et peut-être à la terre, à témoigner de l’horreur est dans la pure tradition prophétique.  C’est un mouvement d’éloquence, mais aussi un appel au déclenchement des catastrophes eschatologiques. Si les cieux se mettent à trembler d’horreur, les étoiles choisiront, et le jour de Dieu risquera de paraître. Les derniers vers inculpent le peuple d’apostasie et de bêtise.