Jérémie 22, 10-30

Le drame de son cœur

Père Gaston Salet

Le Christ Rédempteur, Christus, 40, 1963, P. 443s

 

Quel contraste entre la mission illimitée du Christ et les limites étriquées dans lesquelles s’exercent jusqu’au bout son action visible ! Songeons qu’il a d’abord été ressenti durement par le cœur du Christ Lui-même.

Ne doit-on pas penser que ce fut là le drame profond de sa vie de Rédempteur ? Il y a, dans l’évangile, des paroles de Jésus, qui, brusquement, projettent leur lumière sur des paroles d’abîme et nous donnent de soudaines échappées sur le drame : Je suis venu apporter le feu sur la terre, et comme Je voudrais que déjà il fût allumé !

L’héroïsme du Sauveur a consisté à accepter loyalement toutes ces entraves et ces limitations. Lui qui a laissé entendre qu’une fois élevé de terre, il attirerait tout à Lui. Il accepte de mourir sur un gibet avilissant, entouré seulement de quelques amis et d’un groupe de haineux irréductibles, face au Mont des Oliviers qui Lui barre les horizons de l’univers. Sur cette croix où Jésus va mourir de soif, dit saint Grégoire de Nazianze, Dieu a soif qu’on ait soif de Lui !

Et pourtant, Jésus accepte que sa mission universelle soit brutalement interrompue ; et Il dira, dans une adhésion parfaite aux desseins du Père : Tout est achevé !

Car la Rédemption se consomme dans le drame du Cœur du Fils de l’homme ; il faut résolument nous en convaincre : la mission universelle du Christ ne Lui demande pas de conquérir visiblement et triomphalement le monde. Réduite à des termes essentiels, elle se ramène à penser le monde entier dans le dessein originel du Père, et à S’offrir pour lui en sacrifice, selon le mouvement de l’Esprit. Tout le reste n’est qu’affabulation et décor. Mais par la pensée, par l’amour, le Christ a sans cesse échappé à ces barrières qui paraissaient emprisonner sa vie. Dans tout son comportement, Il a été le Sauveur universel.