Isaïe 16,1-5 + 17,4-8

Fuir de Moab en Israël

Saint Jérôme

Sur Isaïe, chapitre 16

 

Ce que nous traduisons d’après l’hébreu : Envoie l’Agneau, Souverain de la terre, peut aussi se comprendre : Envoie l’agneau au souverain du pays. Dans cette version, l’agneau n’est plus le dominateur de la terre, comme nous l’avons interprété littéralement, mais celui qui doit être immolé au souverain du pays. Et cet agneau est issu de la race des Moabites, de ceux qui ont fui Moab. Dans ce cas, celle que le prophète appelle la pierre du désert pourrait signifier Ruth, l’aïeule du Christ.

Si nous passons du sens prophétique au sens allégorique, on peut donner cette interprétation : celui qui aura fui du désert de Moab, et, qui méprisant le mensonge, se tiendra sur la montagne de la Vérité, celui-là sera comme un oiseau éperdu, comme une nichée s’envolant du nid : telles sont les filles de Moab au gué de l’Arnon, Arnon signifiant « leur illumination », quand ayant abandonné leurs erreurs, elles passeront à la connaissance de la vérité.

Puis il est dit à Moab, et à celui qui s’est évadé de Moab : Ne fais rien sans conseil, ne te laisse pas ballotter à tous vents de doctrine, mais suis l’Ange du Grand Conseil. Joins-toi à l’assemblée, afin que les fugitifs et les fuyards se rassemblent en Eglise de Dieu. Sachez-le, après la venue de l’Agneau issu de la pierre du désert, lui le Souverain de la terre entière, qui vient à la montagne de la fille de Sion, toute la puissance du diable, comparée à de la poussière, cessera. Disparu le misérable, évanoui celui qui piétinait toute la terre, c’est-à-dire ceux-là qui n’étaient que terrestres ! Lui disparu, réduit à rien, complètement éclipsé, le trône s’affermira pour un règne éternel. Il s’affermira d’abord dans la miséricorde, car tous nous sommes soumis au péché et avons besoin de la grâce de Dieu. Et il siégera sous la tente de David, d’abord écroulée, puis relevée, celui qui, après la miséricorde exercera le jugement soucieux de justice et rendant à chacun selon ses œuvres.

Si donc nous considérons l’oracle sur Moab, nous verrons comment, peu à peu, par la pénitence, on quitte Moab pour devenir Israélite ; on fuit comme des oiseaux, on s’envole comme une nichée hors du nid pour traverser au gué de l’Arnon et habiter la montagne de la fille de Sion. Alors toute la puissance du diable et de l’Antichrist sera réduite à rien, le Christ établira son règne et siégera en ceux que sa miséricorde et sa justice auront sauvés.