Genèse 4, 1-24

L’homme face à son Dieu et à son frère

Mgr Paul-Marie Guillaume

Caïn et Abel, AS 44, 1969, p. 29s

 

On pourrait penser qu’après l’expulsion du jardin, Dieu a renoncé à toute relation avec l’homme, ou ne traitera qu’avec des privilégiés ; or, ce qui frappe, c’est la présence de Dieu au coeur même de la vie de l’homme. Le récit que nous venons d’entendre nous présente trois personnages : Caïn, Abel et Dieu, lesquels ont entre eux de multiples contacts.

Aussi, après le premier péché, les hommes peuvent garder des relations avec Dieu. Ils lui offrent en sacrifice les prémices du sol ou les premiers-nés du troupeau. Mais un tel hommage ne prend valeur, aux yeux de Dieu, que s’il émane d’un coeur sincère.

D’une manière qui n’est pas précisée, Caïn se rend compte que Dieu n’a pas agréé son offrande, et la colère crispe son visage. Mais Dieu intervient pour éviter le pire. Les paroles de Dieu, au verset 7, loin de signifier à Caïn sa condamnation, sont à comprendre comme une exhortation paternelle. Elles l’invitent à surmonter sa colère jalouse, à s’appuyer sur ce qu’il y a de meilleur en lui : Si tu es bien disposé… Elles le mettent en garde contre la tentation qui le guette. Appel à la liberté et invitation à la vigilance, qui ne peuvent être entendus de l’homme que s’il consent à relever la tête pour regarder son Dieu.

Caïn, au contraire, se laisse aller à la colère et répond par la violence. Ainsi la mort fait son entrée dans le monde, mort tragique qui met brutalement fin à la première fraternité humaine. Le sol s’imbibe du sang d’Abel ; selon la parole de Dieu à Adam, Abel est retourné au sol. L’homme expérimente jusqu’où le mène sa séparation d’avec Dieu. Néanmoins l’épisode ne s’achève pas sur cette conséquence du péché. Car du sol monte le cri du sang d’Abel et Dieu qui l’entend vient prendre la défense de l’innocent: Où est ton frère ? Qu’as-tu fait ? Caïn feint de ne pas comprendre et récuse toute responsabilité sociale. En comparant sa réaction avec celle d’Adam, on s’aperçoit que le coeur de l’homme se ferme plus encore au dialogue avec Dieu, à l’heure où il rompt la communion avec son frère.